Aujourd'hui, Jérôme Alonzo est à la retraite mais continue de s'occuper pendant ce confinement avec une chronique régulière sur France Bleu : "C'est mon patron à Radio France qui a eu cette idée d'accompagner des gens dans une démarche humble et pas du tout populiste. Tenir compagnie aux gens qui sont seuls. Ça fonctionne bien". Il a ainsi pris de son temps pour nous répondre.
PlanètePSG - Vous êtes le fils de Pierre Alonzo, formateur et même entraîneur au PSG. Vous avez finalement grandi à Paris et même servi de mascotte pour les avant-matches. Pouvez-vous nous raconter ?
Jérôme Alonzo : C'était lors d'un match de Coupe de France en 1975 et je rentre au Parc devant le capitaine Humberto. J'ai même une photo de ce moment (voir ci-dessous la photo fournie par Jérôme Alonzo). Une photo assez connue, sortie très tard dans la presse car je ne voulais pas m'en servir comme une arme de populisme. Ce qui est dingue, c'est que derrière moi, il y a Ilija Pantelic. Et il n'y a que deux gardiens qui porté le maillot du PSG et de l'OM : Pantelic et moi. Et nous deux réunis lors de cette même photo, c'est incroyable.
Le premier maillot que j'ai porté est celui du PSG. Les gens qui supportent ce club depuis Zlatan, je leur ris au nez. Car je connais son histoire par cœur. Beaucoup me disent que je suis dur avec le PSG aujourd'hui mais je le suis quand il le faut. Car ce qui m'importe, c'est la santé du club, pas les Qataris. Aujourd'hui, je n'ai aucune empathie avec Neymar par exemple, même si je respecte le joueur. Mais l'été dernier, il est passé pour un clown. Ce que j'aime, c'est le PSG, pas le FC Neymar.
PlanètePSG - A part le PSG, quels clubs vous ont marqué durant votre enfance ?
Jérôme Alonzo : En arrivant dans le Sud, j'avais toujours mes maillots du PSG. Mais comme j'ai du déménager à Antibes pour raisons personnelles, il y avait deux clubs dans cette région : Nice et l'OM. Au total, j'ai donc grandi avec 4 clubs : Paris, Nice, Marseille et... Bastia car mon papa y était et j'avais été marqué par l'équipe de Roger Milla qui avait battu St Etienne en finale de Coupe de France 1981. C'est le premier match que j'ai vu à la TV (voir ci-dessous).
PlanètePSG - A Nice, votre premier club, vous jouez peu. Était-ce une période difficile ?
Jérôme Alonzo : Je n'ai pas vraiment de regrets puisque le garçon qui me concurrençait, c'était Lionel Letizi, que je retrouverai plus tard. Honnêtement, il était meilleur que moi et plus sérieux. Quand son modèle était Dino Zoff, les miens étaient Gaëtan Huard et Pascal Olmeta. Et puis mon père était directeur du centre de formation. J'étais tiraillé entre le respect pour mon père, du métier, du club et puis les premières copines, les premières sorties (rires). Il y a juste la fierté d'avoir joué mon premier match en pro avec Nice avec une montée qui se profile.
PlanètePSG - Vous allez ensuite à l'OM en D2, pourquoi ce choix ?
Jérôme Alonzo : Au-delà de mon premier match en pro avec Nice, le vrai tournant de ma carrière, c'est l'OM. C'est là que je me fais un nom. La saison 1995/96, en 17 ans de carrière, c'est une de mes deux-trois saisons les plus abouties. J'apprends à jouer sous pression. Et puis quand t'es né dans le 06 et que tu joues à l'OM.... Il faut rappeler que l'OM est champion d'Europe deux ans auparavant. Et ma vie change car ce club est descendu sinon je n'aurai jamais joué là-bas. J'ai ensuite quitté l'OM car il y avait Kopke, grand gardien allemand.
PlanètePSG - Vous allez ensuite à St Etienne et vous êtes de nouveau dans la peau d'un titulaire avant de connaître un coup d'arrêt après une grosse blessure. Racontez-nous.
Jérôme Alonzo : En fait, je me blesse de manière anodine lors d'un match contre le Red Star au Stade de France en mars 1999 (voir ci-dessous). Et ce que personne ne sait, c'est que techniquement, à ce moment, j'étais au sommet de ma carrière. Je ne pense pas avoir été aussi fort après, même en 2003 au PSG. J'étais heureux dans ma vie qui plus est. Ce qui est injuste, c'est que les dirigeants me font reprendre sur une jambe lors de la saison de la remontée en D1 où on finit 6emes. Et à l'intersaison d'après, le club prend un autre gardien (Ndlr : Levytskyy) avec les résultats que l'on connaît (Ndlr : St Etienne descendra en D2).
Et donc après cette saison blanche, en juillet 2001, j'ai un coup de fil à la maison de Luis. A 23h30. Il me dit que Casagrande, à l'époque à Paris, veut partir à St Etienne et me demande si je veux faire le chemin inverse. Je m'interroge puis me dis que je vais retrouver Lionel (Letizi). Et puis, il y a cette photo du garçon qui entre dans le Parc des Princes. Je voulais la reproduire à l'identique. Je me décide et le lendemain, je vais signer au PSG.
PlanètePSG - Le premier fait marquant de votre aventure du PSG est ce PSG-Nancy en Coupe de la Ligue (1-1, 5-4 tab) en janvier 2002. Racontez-nous.
Jérôme Alonzo : Ce PSG-Nancy prépare en fait le PSG-OM dont tout le monde se souvient. Et j'ai une anecdote sur ce match car je m'absence aux toilettes entre la fin du temps réglementaire et les tirs au but. Et là, dans les vestiaires, Jean-Louis Gasset me suit et me dit que si Moracchini (Ndlr : milieu de Nancy) tire, il va tirer à droite. Et effectivement, durant la séance, il tire à droite, je le détourne et on se qualifie. D'habitude, je n'écoute jamais personne sur les tirs au but. Mais là, j'ai fait exception. Et puis Jean-Louis, c'était comme mon deuxième père.
PlanètePSG - Arrive donc ce PSG-OM en Coupe de France (1-1, 7-6 tab). Avec quatre arrêts au total sur penalty, dont un durant le temps réglementaire face à André Luiz. Une soirée mémorable pour vous et les supporters.
Jérôme Alonzo : Ce match, c'est mon sommet émotionnellement, je n'en ai pas vécu après. Il faut quand même rappeler qu'avant la mi-temps, à la suite d'une mésentente avec Déhu, on prend ce penalty et j'échappe de peu au rouge, ce qui aurait complètement changé l'histoire. Heureusement, je ne prends pas de rouge, et en plus, j'arrête ce penalty d'André Luiz. Ce qu'il faut aussi retenir, c'est que l'OM ouvre le score. Et sans l'égalisation d'Heinze, mon histoire ne décolle pas non plus. Je dois donc à Gabi ce qui s'est passé après.
Aux tirs au but ensuite, Hugo Leal me dit que Defilm tire toujours au milieu. Mais c'est dur pour un gardien de rester au milieu. Donc je pars un petit peu et le détourne du bout des doigts. Je me casse le pouce sur cette action ! Juste après, j'arrête celui de Wilfried Dalmat. Et puis Vedran en sort deux aussi. Ensuite, c'est la dramaturgie des tirs au but. Au dernier, quand je vois Van Buyten s'avancer, je voulais rester dans l'axe. Car le mec qui tire en 8e, c'est qu'il ne voulait pas tirer.
Et cet arrêt est hyper beau car c'est un arrêt réflexe, je décide de partir au dernier moment. Je suis ensuite KO. Pour plusieurs raisons, notamment parce-qu'Albert Emon est l'entraîneur d'en face. C'est mon mentor, celui qui m'a lancé dans le grand bain. Pour ces raisons, l'émotion prend le dessus, c'est un moment incroyable. Ce qui est génial, c'est que ce match, tout le monde m'en parle à Paris.
PlanètePSG - La saison 2002-2003, il y a un match étrange contre Troyes. Le club est alors dans une période difficile et Luis Fernandez, entraîneur de l'époque, décide de vous remettre titulaire à la place de Letizi. L'atmosphère était plutôt nauséabonde avec des supporters en grève. Vous aviez même affirmé à l'époque que vos jambes tremblaient avant la rencontre.
Jérôme Alonzo : Là, c'était vraiment une pression négative. Avant ce match, à Guingamp on perd 3-2 après avoir mené 2-0. C'est mon retour en titulaire et je ne suis pas en jambes, j'ai les jambes qui flageolent. On perd 2-0 dans le premier quart d'heure, toute l'équipe n'est pas bien. Là, je me dis que ce soir on ne sort pas. Et puis il y a un petit miracle avec Pedron qui met une frappe en lucarne. Et on gagne 4-2.
PlanètePSG - Malheureusement, la saison se termine par cet échec en finale de CDF. Comment l'avez-vous vécu ?
Jérôme Alonzo : C'était horrible, vraiment horrible. Ce match-là, on doit le gagner 1000 fois. Quand j'en reparle aux Auxerrois, ils se rappellent qu'ils ne doivent jamais gagner. C'est le dernier match de Luis et de Ronnie et je suis dévasté. La Coupe de France était plus importante que le championnat depuis ce match de Bastia en 1981 que j'ai vu tout petit. On m'a volé cette finale et, tout le groupe, on le vit très mal en partant aux vacances.
PlanètePSG - Heureusement, la saison d'après se déroule bien mieux et vous y participez activement. Vous sentiez-vous invincible à ce moment-là ?
Jérôme Alonzo : Pas au début. Ce que j'ai rarement dit, c'est qu'en début de la saison, j'ai encore la rage et l'injustice de cette finale. Ça m'empêche de dormir, je n'ai pas fait mon deuil. Vahid me met titulaire d'entrée et je suis écarté après un match compliqué à Montpellier (défaite 3-2). Letizi revient et se reblesse. Et mon match de retour, comme par hasard, je retrouve Auxerre (Ndlr : le 27 septembre 2003, voir ci-dessous).
Et pour l'anecdote, c'est le 1er match où mon père est là ! Sauf que mon père est hyper émotif et quand il prend l'avion, il ne sait pas que c'est moi qui allais jouer. Et la veille de ce match, Lionel se blesse. J'attends le jour-même du match vers 18h pour prévenir mon père que je joue. Et là, je fais un superbe match, je gagne trois face-à-face, on gagne 1-0. Et là, j'ai soldé mon passif avec moi-même. De ce match-là, tout change, ça agit comme un déclic ! Le regard de Vahid, des autres joueurs... Je vais être celui qui va imposer une présence, une humeur, une baraka, une idée de la baraka.
Nous remercions vivement Jérôme Alonzo pour sa disponibilité. Retrouvez la deuxième partie de l'entretien ce mercredi.