Propriétaire de 62,5 % des actions du PSG (suite au rachat de la quasi-intégralité des parts de Butler Capital Partners début janvier), Colony Capital a fait le choix de s'investir pleinement dans le devenir du club de la capitale, au moins jusqu'en 2010. Pourtant, malgré les 70 millions d'euros injectés depuis bientôt deux ans, les parts de la compagnie basée à Los Angeles ne représentent qu'1 à 2 % du total de ses actifs. Où Colony Capital a-t-il donc bâti le reste de sa fortune ?
Créé en 1991 par l'homme d'affaires libano-américain Tom Barrack, Colony Capital officie depuis plus de quinze ans dans le fonds d'investissement, c'est-à-dire l'entrée dans le capital de sociétés qui ont besoin de capitaux propres. Ses domaines de prédilection sont l'immobilier et les opérations de joint venture, c'est-à-dire de co-création d'entreprise. Présidé par Tom Barrack, le fonds possède de nombreux casinos aux Etats-Unis (Station Casinos, Bally's Tunica), des chaînes hôtelières (Raffles International, Swissôtel, Fairmont Hotels). Soutenu par 120 banques institutionnelles, qui lui ont confié jusqu'à présent plus de 500 milliards de dollars de fonds propres, Colony Capital a pu emprunter et investir à tour de bras aux quatre coins de la planète : de Taipei à Las Vegas, de Paris à Tripoli, la compagnie californienne a injecté plus de 18,6 milliards de dollars dans 127 opérations ces quinze dernières années. Le dernier pari de Colony a de quoi surprendre : l'acquisition, pour 2,6 milliards d'euros, de 65% du groupe public libyen de raffineries et de stations-service, Tamoil.
La filiale européenne de la compagnie est basée à Paris. Composée d'une quarantaine de salariés, cette antenne dirigée par Sébastien Bazin est présente dans le capital de dix entreprises en France. Depuis son ouverture en 1997, elle a investi près de 8 milliards d'euros sur le continent, dont les deux tiers en France. Dans un premier temps, son intérêt s'est dirigé vers la construction d'immeubles de bureau, à La Défense, à Vélizy-Villacoublay (Yvelines) ou encore à Massy (Essonne). Puis, la filiale a décidé de se diversifier et de privilégier le rachat de sociétés dont elle considère l'actif immobilier comme "peu mis en valeur". D'après "Le Nouvel Observateur", la devise de Sébastien Bazin est la suivante : "Même quand une société menace de finir dans le mur, on peut faire des affaires avec ses murs."
Des parts chez Accor, Buffalo Grill, Carrefour et le Paris Saint-Germain
Dans cette optique, Colony France a mis la main en 2001 sur le vignoble Château Lascombes, suivi en 2004 par le groupe de casinos Lucien Barrière et en 2005 par la chaîne de restauration Buffalo Grill. Pour la chaîne d'hôtels Accor (qui possède Ibis, Sofitel ou Formule 1), l'investissement a été colossal : un milliard d'euros ! L'an dernier, la filiale a frappé un grand coup en s'alliant au groupe Arnault, la holding privée du groupe LVMH, pour acquérir 9,1 % du capital de Carrefour (coup de l'opération : 3,8 milliards d'euros).
L'annonce de la vente du PSG par Canal + en 2006 a été vécue par une aubaine par la société, qui a vu là l'opportunité de faire fructifier l'immobilier à travers le sportif. Le club de la capitale offrait en effet la possibilité d'en développer les infrastructures, à savoir le Parc des Princes et le Camp des Loges (http://www.planetepsg.com/news-7021-leclub_le_parc_des_princes_reve_par_les_actionnaires.html). Entre temps, les mauvais résultats sportifs sont venus contrarier quelque peu les plans de Sébastien Bazin. C'est la raison pour laquelle le bras droit de Tom Barrack conditionne désormais la bonne conduite de son projet immobilier à la réussite du club. Et pour y parvenir à cet objectif, de nouveaux investissements s'imposent. Issus de Colony, bien sur, mais aussi pourquoi pas d'autres investisseurs, dans une marge de 10 % à 30 %. Colony France prévoit d'ailleurs, dans les cinq ans à venir, de réserver au sport et en particulier à la rénovation de stades, 5 % de ses actifs.
Interrogé dans "Le Parisien" du 14 février, un analyste financier vient toutefois apporter un bémol à la présence du fonds d'investissement dans le sport : "Le bilan de Colony en France est plutôt positif. Ils ont réalisé de belles opérations financières, comme Buffalo Grill ou Accor. Pour l'instant, la moins convaincante est celle du PSG. Non seulement il a du faire face à la déconfiture des résultats sportifs mais il n'a pas encore pu réaliser les projets pour lesquels il a investi dans le club, c'est-à-dire le nouveau Camp des Loges et le Parc des Princes. Le sport est un domaine dans lequel le retour sur investissement est difficile à obtenir, y compris lorsqu'on parle de rénovation de stade."
D'après le quotidien francilien, qui se réfère pour accréditer son affirmation à des experts, on ne peut en effet "espérer qu'un rendement de 8 à 12 %" dans le sportif. "Or, Colony s'est engagé sur chacune de ses opérations à réaliser une plus-value d'au moins 20 %. A noter qu'un fonds ne possède pas son propre argent : il l'emprunte sur cinq à huit ans à des compagnies d'assurances ou à des riches particuliers dans le but de le faire fructifier. Ces fonds n'ont donc qu'une marge d'erreur très réduite." C'est à Sébastien Bazin qu'incombe aujourd'hui la lourde tâche de démontrer le contraire.