Courageux et tortueux parcours que celui d'Edel. Né Apoula Edima Bete Edel le 17 juin 1986, dans la capitale du Cameroun, ce colosse d'1,86 m pour 84 kg n'était absolument pas destiné à une carrière de footballeur. A la maison, où ses parents sont sans travail, la vie n'est pas simple. A 11 ans, parallèlement à l'école, l'aîné de la fratrie suit des cours de pâtisserie.
Déjà admirateur de Bernard Lama et d'Edwin van der Sar, il s'entiche de la jeune star locale, Pierre Ebede, portier du Tonnerre de Yaoundé. Cela le pousse à s'inscrire dans un club. A 12 ans, il perd son frère Fabrice, victime d'un mal foudroyant. "Je l'aimais si fort. Il voulait lui aussi être gardien". La même année, il s'exile à 200 km à l'ouest de la capitale et joue pour le FC PWD Kumba.
Quatre ans passent et un agent parlant le français lui propose de rallier l'Arménie en s'engageant en faveur du Pyunik Erevan. "Il m'avait dit : "C'est comme la France." Je l'ai cru et je suis parti à Erevan. Je me suis demandé où j'étais tombé..." Dans le Caucase, au nord-est de la Turquie, les températures sont glaciales. "Une fois, on a fait une séance par – 14 degrés", raconte le joueur. Un froid continental qui ne l'empêche pas de récolter quatre titres nationaux et même de disputer le tour préliminaire de la Ligue des Champions.
Deux sélections qui coutent cher
La notoriété d'Edel se fait rapidement. Roupen Haïrabédian, qui cumule les mandats de député, de président du Pyunik et de la Fédération arménienne de football le convainc de postuler en sélection. "Pour transcender son effectif, [celle-ci] accorde généreusement son passeport aux talents émergents, notamment africains", remarque le magazine.
Edel est donc convoqué une soixantaine de fois en Espoirs (il sera élu meilleur gardien de l'Euro 2005 des moins de 19 ans), puis appelé en A. Entre 2004 et 2005, le sélectionneur s'appelle Bernard Casoni, qui le convoque et se justifie aujourd'hui : "Contre la République tchèque (0-3), le monument Roman Berezovski était blessé. J'estimais son suppléant insuffisant. Edel était au-dessus..." Le joueur se souvient parfaitement de la première des deux sélections qu'il honorera avec l'Arménie : "Au bout de vingt minutes, j'avais encaissé des buts de Koller et Rosicky. Mais j'avais réalisé un match solide".
Quant à la naturalisation dont il a été l'objet, le gardien aujourd'hui âgé de 21 ans a un avis sur la question : "J'étais jeune et naïf, j'ai cru aux promesses formulées, comme celle d'un transfert vers un grand club en échange de mon accord. Aujourd'hui, je me sens d'autant plus frustré que j'ai envie de jouer pour le Cameroun." Il y a quelques temps, son agent a déposé un dossier auprès de la Fifa afin qu'il puisse de nouveau prétendre à la sélection dans son pays natal. La puissante organisation n'a pas encore donné son verdict.
Il interpelle Christian Mas lors d'un Rapid Bucarest-PSG
Mais cette naturalisation forcée n'est pas le seul grief que le joueur a contre le président de son ancien club : en 2005, alors qu'il effectue un essai dans l'équipe de CFA du PSG, Christian Mas, entraîneur des gardiens, est impressionné : "Coordination des mouvements, adresse, détente et technique : Edel nous avait plus et séduit. Mais son club réclamait le montant d'un joueur confirmé." A savoir : un million d'euros. Et malgré des tests de nouveau convaincants à Marseille, Istres, Bordeaux, Benfica, l'indemnité de transfert réclamée par le Pyunik Erevan est chaque fois jugée rédhibitoire. Pire : alors qu'il signe un contrat de deux ans en faveur des Girondins, le club arménien ne valide pas la lettre de sortie.
En janvier 2006, après quatre saisons de galère, Edel quitte définitivement l'Arménie, accompagné d'un ancien entraîneur, pour rejoindre le Rapid Bucarest. "Nous sommes partis sans prévenir. Le niveau était meilleur. Et puis les femmes sont belles à Bucarest..." Dès sa première année, le gardien décroche la coupe nationale. Durant l'été, il est prêté temporairement à La Gantoise, en Belgique puis revient en Roumanie à la rentrée. Il effectue une dernière saison complète au Rapid, lors de laquelle il croise de nouveau le chemin du PSG en Coupe de l'UEFA, le 19 octobre 2006. Coup de pouce du destin qu'Edel ne va pas laisser échapper.
"Durant l'échauffement, quelqu'un crie mon nom", raconte Christian Mas. "C'était Edel. Comme je supervisais nos adversaires, j'ai pu le voir à Athènes, où il m'a fait forte impression contre le Panathinaïkos. Nicolas Cousin parti à Angers, nous recherchions un jeune de qualité pour postuler à terme comme numéro deux, voire numéro un. Les négociations avec le Rapid ont été plus simples qu'avec Erevan..." Eté 2007. Nouvel essai au PSG. Paul Le Guen, entraîneur depuis janvier, est convaincu par ce portier polyglotte (il parle le bamiléké, français, l'anglais, le russe, le roumain et l'arménien) et à l'adaptation rapide. Edel signe un contrat de deux ans le 16 aout 2007.
Depuis, Edel poursuit son apprentissage au cours des séances d'entraînement en compagnie de Jérôme Alonzo et de Mickaël Landreau. Lequel témoigne : "Edel est à l'écoute, tout en ayant des certitudes. Je lui donne des conseils quand il me sollicite, mais je ne suis pas son grand frère. Ce serait déplacé, surtout quand on sait combien cette notion compte dans son pays."
Mais le gardien n'en a pas fini avec les excentricités. Le 16 novembre dernier, il a disputé son premier match avec le PSG. C'était en amical face à la Guinée. Mais, au lieu de défendre les cages parisiennes, Edel a profité d'une blessure d'Arnaud pour entrer en fin de match au poste... d'attaquant !
