"Je ne pouvais pas rêver mieux que le PSG", c'est en ces mots que le meilleur buteur de L2 (20 buts en 25 matches) commentait son engagement avec son nouveau club le 21 janvier dernier. La déclaration est passée inaperçue tant elle est usurpée par tout nouveau joueur qui débarque à Paris. Mais venant de Hoarau, on veut croire que ce ne sont pas des paroles en l'air. Parce qu'avant de signer, il n'avait que l'embarras du choix. Véritable attraction de la L2, le Réunionnais avait les clubs de l'élite à ses pieds : outre Paris, Marseille le voulait pour de vrai. Lens et Auxerre ont aussi insisté. En Europe, une quinzaine de propositions financières hors du commun auraient pu le pousser à passer la frontière. L'Angleterre et Tottenham, l'Espagne, l'Italie et même la Turquie ont tenté de le faire venir.
Mi-janvier, c'est sur le PSG qu'il jetait son dévolu, dans un club qui piétine encore... Après la volte-face de Yoan Gouffran, l'échec concernant la venue de Fred, Paris prouve qu'il peut encore séduire. Pourtant quand il était petit, Guillaume ne supportait pas le PSG mais... le RC Lens. "Mon frère était pour Rennes. Mes cousins pour le PSG, l'OM. Pour ma part j'avais choisi Lens, avoue-t-il dans un éclat de rires. Non pas par contradiction mais j'ai progressivement appris sur cette équipe à travers des jeux vidéos, son histoire. Les soirs de matches, on rigolait beaucoup. Les plaisanteries fusaient".
En poussins avec Sinama-Pongolle
Alors, qu'est-ce qui a fait la différence pour que le prometteur attaquant choisisse le PSG ? Ce n'est pas une question d'argent car en Angleterre, il aurait pu signer un bien meilleur contrat. C'est avant tout un choix sportif motivé par une rencontre... avec Paul Le Guen : "Le fait qu'il ait fait l'effort de venir me voir, de discuter avec moi a énormément pesé dans ma décision. Son discours m'a rassuré et convaincu. Je sais que j'aurai ma chance avec lui car il fait confiance aux jeunes. A moi de faire le reste".
Hoarau rêve de jouer en Angleterre mais pour passer de la L2 à la Premier League, un petit détour s'imposait... par la L1. Guillaume Hoarau n'a pas 24 ans et sait où il va : "Au PSG, je veux progresser", annonce-t-il, déterminé. Natif de la Réunion, il ne vit en métropole que depuis l'âge de 19 ans. Sa formation, il l'a effectuée à Saint-Pierre, comme Sinama-Pongolle, son coéquipier en poussins. En 1998, son premier essai au HAC, partenaire de La Saint-Pierroise, n'est pas concluant. Cinq ans plus tard, ça passe et Jean-Pierre Louvel l'intègre dans le circuit professionnel via un contrat stagiaire.
Patrick Ségura, son coach à la JSSP, l'encourageait : “C'est un faux lent qui doit apprendre à être plus efficace devant le but. S'il bosse et qu'il laisse la douceur de la Réunion derrière lui, il peut réussir”. Et Hoarau de compléter à l'époque : "Je rêve de réussir dans le milieu. Je suis prêt à faire de nombreuses concessions. Foncer, quoi. Quand on voit les gars jouer à la télé, on ne peut pas trop se rendre compte, pour être fixé, il faut tenter sa chance" (source : Clinacoo.com). Mais que la transition fut difficile
Une carrière forgée à force de caractère
Par exemple : "Le plus compliqué a été de quitter famille et amis aussi brutalement. Je me souviens, j'étais arrivé au HAC en plein mois de janvier. Je n'avais pas encore vu la neige (rires). Je me suis dit, si tu parviens à franchir cette première épreuve, le reste ne sera que du gâteau. Je me suis renforcé mentalement à travers cela". Sportivement, ce n'est pas mieux : "J'ai vraiment du mettre le bleu de chauffe. J'accusais un certain retard par rapport à d'autres en n'étant pas entré dans un centre de formation. Il a vraiment fallu être costaud dans la tête et bosser. J'ai encore énormément de choses à démontrer. Mais je mesure aujourd'hui déjà le chemin parcouru. Je ressens par contre ce besoin d'appeler ma famille ou de me rendre sur l'Ile pendant mes vacances. C'est le meilleur moyen pour couper et décompresser".
Parti de rien ou presque, il s'est forgé une carrière à force de caractère, de travail et de respect. Sa trajectoire ressemble plus un chemin de traverse qu'une voie royale. "En signant pro, mon but était d'arriver en L1. Quatre ans après, j'y suis." Mais il n'a pas oublié les sifflets de Deschaseaux, il n'y pas deux ans : "C'est sur que cela m'a fait mal. Il y a même eu certains gestes déplacés. Malheureusement c'est humain. Mais je me suis appuyé là-dessus pour rebondir. J'ai voulu prouver à mes détracteurs qu'ils avaient tort. Je n'ai jamais douté de mes capacités. Je savais qu'en ayant réussi mon passage à Gueugnon, le processus allait se déclencher naturellement. Pour l'instant cela se vérifie. Je reviens de loin j'en suis conscient". Barré par la doublette Lesage-Traoré, il joue peu et galère. Et l'an dernier, il jouait le maintien en L2 avec Gueugnon.
"Je sais que je reviens de loin !"
Il a fallu attendre cette saison pour qu'il explose et malgré les éloges, comptez sur lui pour rester humble. Dans la vie, il aime les choses simples comme par exemple : "Déguster une bonne raclette avec ma petite amie dans un restaurant du Havre dont j'ai oublié le nom...". Lorsqu'on lui demande son trait de caractère principal, il rétorque : “La gentillesse, c'est à la fois un défaut et une qualité. Par contre, ce que j'attends des gens, c'est avant tout la sincérité, l'honnêteté, je déteste la trahison...” Ses futurs coéquipiers sont donc prévenus.
Guillaume connaît la Réunion par coeur. Mais de la métropole, il n'a pu visiter que Le Havre, Gueugnon et Bordeaux, d'où est originaire sa petite amie. “Le Havre est une ville que j'ai connue en arrivant de la Réunion. Je voulais connaître la France. Je connais presque tout de la ville désormais. Alors j'y fais de mon mieux mon métier même si parfois il y fait froid (rires). C'est en allant à Gueugnon que j'ai pu comparer. Là-bas, c'était la campagne. Il n'y avait rien. Au Havre, il y a bien plus de vie. Et quand on aime la vie, c'est forcément mieux à ce niveau-là".
Il veut battre le record de Tony Cascarino en L2
Alors pas de souci, il aimera Paris... Ses deux meilleurs amis dans le foot se nomment Dimitri Payet (Saint-Etienne) et Christophe Mandanne (Tours). D'ailleurs, Payet lui a largement vanté les mérites de l'élite : "Il n'arrête pas de me dire qu'en L1 les ambiances sont chaudes, surtout à Geoffroy-Guichard. Je me dis qu'à Paris ça doit être la même chose". Physiquement, Guillaume Hoarau c'est du lourd. Mais le joueur aura-t-il les épaules assez solides pour supporter la pression parisienne ? Aura-t-il le talent pour s'imposer en L1 ? L'attaquant a un cap a franchir, alors rendez-vous dans cinq mois.
Comme le veut la tradition, il devra chanter une chanson pour son bizutage. On vous l'annonce, ce sera soit du rap, soit du zouk : “J'écoute de temps en temps du rap comme tout le monde. Mais Bob Marley, c'est mon préféré. J'aime écouter également du zouk pour me détendre.” D'ici là, outre la montée en L1 avec Le Havre, un autre défi s'offre à lui, battre le record de buts en L2 de Tony Cascarino (31 buts). A mi-chemin, il est dans les temps. Avec les Ciel et Marine, il porte le numéro 9 : "Je l'ai choisi par rapport à ma petite amie. Elle est née un 9 septembre". A Paris, se sent-il prêt à succéder à Pauleta ? "Monsieur Pauleta a marqué beaucoup de buts alors avant de pouvoir le remplacer..." Mais ce fan de Ronaldo -"J'étudie beaucoup ses déplacements. C'est vraiment un joueur incroyable"- a encore des rêves plein la tête. Comme celui de représenter la Réunion en Bleu. Après un certain Laurent Robert...
Revault : "Guillaume a le profil pour s'éclater à Paris"
Le capitaine du HAC a gardé les buts du PSG entre 1997 et 1998. Voici ce qu'il pense de son jeune coéquipier et de son choix de venir dans la capitale : "Avec Guillaume, nous avons pas mal parlé de Paris. Je lui ai évoqué le contexte parisien, la vie parisienne... A mon gout, il n'y a pas mieux comme stade que le Parc des Princes en France. Je garde un bon souvenir de ce club. Là-bas, il va côtoyer le haut niveau. Guillaume a décidé de rester en France et c'est une bonne chose pour lui avant d'espérer un jour aller plus haut, plus loin. Je pense sincèrement qu'il a le profil pour réussir et s'éclater à Paris. C'est un gars très cool, un Réunionnais. Il a la tête sur les épaules. Il saura faire abstraction du contexte, des médias... Je pense qu'il a fait le bon choix car, avec un coach de la trempe de Paul Le Guen, Guillaume va continuer à progresser. Il est jeune, il a 23 ans mais toutes les conditions devraient être réunies pour qu'il bosse bien. C'est tout le mal que je lui souhaite en tous cas. Il devrait faire une très grande carrière s'il continue à rester le même..."
Emilie Pilet (avec JMA)
Article paru dans "Le Foot ! Paris" n°42 (mars 2008), actuellement en kiosque.