S'il passionne tant les amoureux du club de la Capitale, c'est que le marché des transferts ouvre la porte à tous les rêves. Et si le PSG attirait une star ? Et si un joueur hier inconnu devenait le nouvel Heinze ? Et si grâce à de judicieux transferts, le club relevait enfin la tête ? Alors les supporters ne peuvent s'empêcher d'y croire, et d'invoquer le Messie... ou le Messi, si leur religion les porte plus du côté du Camp Nou que de la Sagrada Familia. Après tout, si les tifosi ne peuvent s'autoriser quelques fantasmes irraisonnés deux fois l'an, qui le peut dans le monde du foot ? Les supporters ne sont pas tenus à des contraintes terre à terre, comme le budget, ou la politique du club, ou l'équilibre de l'équipe, eux...
Côté dirigeants, le mercato amuse déjà nettement moins. Parce que prendre des risques, oui... mais quand il s'agit du risque à 4 millions d'euros, du risque avec 40 000 supporters qui n'hésiteront pas à vous expliquer très clairement ce qu'ils pensent au juste de votre investissement s'il s'avérait décevant, cela modifie la donne. Ce risque-là, il faut pouvoir l'endosser. Les paris à tenter, les coups de cœur, tous ces joueurs qui semblaient intéressants sur le résumé de trois minutes vingt-sept secondes visionné sur YouTube la semaine passée, mais qui s'avèrent tenir davantage du boulet que du buteur émérite, c'est toujours plus facile à assumer côté gradins. Côté Camp des Loges, les erreurs se payent cash, dans tous les sens du terme.
Alors foin de spéculations fumeuses, ou de jugements enflammés. Pour juger du choix de Gouffran de rester en Normandie, il faut, comme l'a dit Paul Le Guen à plusieurs reprises, tenter de deviner si la recrue aurait apporté une valeur ajoutée ou pas. Et pour juger de cela, il a deux aspects. Le côté purement technique, sportif, et le côté humain.
Qu'aurait apporté Gouffran, humainement ?
Pour ce qui est des qualités footballistiques du Caennais, les journalistes et les supporters se doivent de garder un minimum d'humilité : Le Guen et Roche, de par leur expérience d'internationaux sont mieux placés que quiconque pour en juger. Ils voulaient le recruter, c'est donc que le Caennais avait des qualités indéniables. A ce titre, on ne peut donc que déplorer son revirement de dernière minute.
Mais en ce qui concerne l'homme, on aborde une toute autre affaire. Les habitués du PSG savent quel est le profil des joueurs qui se plantent, ou ne parviennent pas à se faire apprécier du Parc. Cela, on peut donc en discuter. Il suffit d'analyser les actes, et les paroles de Gouffran.
Les actes, tout d'abord : Gouffran l'avoue lui-même, il avait donné sa parole à Cayzac et Le Guen, avant de revenir dessus. Peut-on lui en vouloir ? Oui, bien sur : d'un point de vue moral, d'abord, puisque l'honnêteté du bonhomme est désormais sujette à caution, et éthique ensuite. Le buteur normand met le PSG dans une situation délicate. Alors que les dirigeants du Paris SG comptaient sur lui, il faut désormais trouver dans l'urgence un autre milieu droit. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce retournement de veste n'arrange personne du côté de la cellule de recrutement : une fois l'accord financier conclu entre les deux clubs, avec du côté du joueur la promesse donnée de rejoindre la Capitale, pourquoi auraient-ils continué à chercher un joueur du même profil ? De plus, même si les quelques pistes ouvertes l'été dernier ont depuis le revirement de Gouffran été réouvertes, on peut imaginer que l'étiquette de « second choix » ne fera pas grand plaisir à la future recrue.
On peut donc reprocher à Gouffran de s'être dédit, et de l'avoir en plus fait aussi tard. En période de mercato, chaque jour se paye, chaque occasion manquée compte.
Maintenant, faut-il regretter la décision du joueur ? Là, au vu de ses déclarations, on peut en douter. Voici comment Gouffran justifiait son renoncement : "En début de saison, je ne pensais pas que les Parisiens seraient dix-septièmes à la trêve. Ils avaient une belle équipe, ils comptaient me faire jouer. J'avais une chance d'aller jouer dans ce club que je supportais quand j'étais petit, je n'ai pas hésité, j'ai demandé à mes dirigeants de partir. Ça n'a pas été le cas. Aujourd'hui, je me dis que c'était peut-être un mal pour un bien."
Ce passage de l'interview donnée sur RMC est révélateur d'un étonnant manque de confiance en soi. Là où un champion ne doute jamais, Gouffran avoue que puisque le PSG pointe en bas de classement, il est content de ne pas avoir signé cet été, échappant ainsi au médiocre parcours qui a amené Paris si bas. Ouf, il a évité cette galère.
Etonnant non ? Jamais il ne pense que s'il était venu, les choses auraient pu évoluer différemment. Sans même parler de rétablir aujourd'hui une situation d'ores et déjà compromise, ce qui est toujours plus ardu, il ne lui vient pas à l'esprit qu'avec Gouffran milieu droit, le Paris SG aurait mieux fait que ce qu'il a réalisé sans ! Cela dénote tout de même une mentalité remarquablement fragile pour un sportif professionnel.
Un joueur content de ne pas avoir eu à aider Paris à s'en sortir
Un autre passage illustre un état d'esprit assez peu souhaitable dans un vestiaire pro : "Je ne sais pas vraiment à quel poste j'aurais joué à Paris. Mais c'est vrai que d'être titulaire comme attaquant ici, ça a joué. J'avais dit à Franck Dumas, en début de saison, que je voulais être attaquant, j'ai commencé milieu droit, il m'a repositionné et, depuis, ça commence à bien marcher, je marque des buts. C'est un poste où je peux bouger partout, plutôt que de rester dans mon couloir et marquer une fois tous les cinq matches."
On critique souvent les joueurs qui manient la langue de bois et tiennent un discours formaté pour s'éviter des ennuis. Là en revanche, l'ingénuité de Gouffran, même si elle peut se comprendre du fait de la jeunesse du garçon, a de quoi interloquer : jamais le Normand ne parle de l'équipe, de ce qu'il apporte à tel poste plutôt qu'à tel autre. Il ne parle pas d'efficacité au niveau global, de rendement ou de résultat pour le groupe, il n'évoque que son propre plaisir de marquer, de bouger.
Pour se rendre compte de l'impact de ce genre de phrases lors d'une conférence de presse parisienne, il suffit d'imaginer Frau tenant il y a un mois des propos du même acabit. Le Lillois a été meilleur buteur de L1 avec Sochaux, il aurait pu afficher sa préférence pour l'axe devant la presse... Gageons qu'une telle sortie aurait fait davantage de bruit que celle de l'international Espoirs, et que le public du Parc ne l'aurait pas très bien accueillie.
Bien sur, marquer des buts est la finalité des équipes de football, et les buteurs se doivent d'être parfois égoïstes. Mais là, le discours de Gouffran relève de l'égocentrisme. Qu'il faille qu'un autre gars se tape le côté droit pour que lui puisse être enfin libre d'améliorer ses statistiques personnelles, Gouffran le range dans la catégorie « détails négligeables ». Quant à savoir s'il vaut mieux pour l'équipe qu'il évolue à droite ou en pointe, qui cela intéresse-t-il ? Pas l'ex-futur Parisien en tous cas.
Autre futilité, le fait que son comportement puisse éventuellement gêner un club qu'il dit supporter : "Mais vraiment, aujourd'hui, je pense avoir fait le bon choix en restant ici (à Caen). Le seul regret, c'est d'avoir fermé les portes avec le PSG. Mais, à mon avis, j'ai fait le bon choix." Que tous ceux qui regrettent pour leur part que le Paris Saint-Germain n'ait toujours pas de milieu droit se rassurent : cette broutille n'empêche pas le Caennais de dormir. Encore une fois, la capacité qu'a l'espoir à ne penser qu'à lui à de quoi déconcerter.
Gouffran, plus Dalmat que Dahleb
Tout cela dénote un trait de caractère fondamental chez Gouffran. Préoccupations très égocentrées, peur de se frotter à la difficulté, volonté de soigner ses statistiques de buteur... Pour lui, le PSG n'était qu'une étape. Un club médiatisé qui l'aurait aidé dans sa carrière, pour se faire connaître, et signer enfin dans un grand club.
Quoi qu'il en dise, Yoan Gouffran ne venait pas à Paris pour le PSG. Il venait pour Gouffran. Quand Le Guen recherche des joueurs pour aider Paris à reconquérir l'Europe, le Normand ne voulait qu'enrichir son CV. A ce compte-là, il a peut-être eu raison de changer d'avis. D'ici quelques mois, son agent ne manquera pas de propositions plus sures, lui proposant des missions plus faciles que de rebâtir un club sur quatre ans. En cela, Gouffran est plus proche d'un Dalmat que d'un Dahleb refusant les propositions du grand Ajax, d'un Raì, qui ne pouvait s'imaginer porter un autre maillot en Europe après avoir signé à Paris, ou d'un Pauleta qui résistera aux sirènes lyonnaises.
Même dans des circonstances très en sa défaveur, comme lorsqu'on lui parle de Cayzac et de l'accord que le Caennais a rompu, Gouffran ne se dépare pas de son nombrilisme : "J'étais un peu déçu de sa réaction (Cayzac avait déclaré « ne plus tellement souhaiter la venue » du joueur à Paris après que ce dernier a tergiversé des jours durant avant de confirmer sa décision). Je comprends qu'il puisse être vexé, parce qu'on avait un accord moral. Mais dire qu'il ne veut plus de moi du jour au lendemain... Je trouve qu'il est allé un peu loin."
Cayzac va donc trop loin quand il dit qu'il n'a plus envie que Gouffran vienne, mais Gouffran ne va pas trop loin quand lui dit qu'il ne souhaite plus signer au PSG. Pour l'attaquant natif du 93, les accords moraux comme la notion de respect sont à prendre à sens unique. Les droits pour lui, les devoirs pour tous les autres.
Après sa promesse, il avait le droit de venir à Paris si ça lui avait chanté, et Cayzac avait le devoir de se taire en apprenant que finalement sa recrue avait changé d'avis. La vie selon Gouffran semble bien tranquille. Mais guère adaptée à la cruelle réalité du Camp des Loges.
Savoir si Gouffran aurait été une bonne recrue, c'est se poser les question suivantes : un milieu droit n'imaginant même pas qu'il aurait pu empêcher son équipe d'être 17ème s'il avait signé apporterait-il vraiment un plus au niveau de la confiance ? Le PSG voulait-il d'un joueur qui explique dans la presse où il veut jouer, et comment ? Paris a-t-il besoin d'un professionnel venu franchir une étape et pensant déjà aux futures orientations de sa carrière ? Mais surtout, le vestiaire du Paris Saint-Germain a-t-il vraiment besoin de compter dans ses rangs un homme n'ayant pas de parole ?