Paris sera toujours Paris. Et à ce titre le PSG ne pourra jamais être un club comme les autres, un de ces endroits où l'on vivote, sereinement, et où le temps qui passe règle les choses dans l'indifférence générale... Non, le Paris Saint-Germain suscite encore et toujours les passions, quoi qu'il arrive. Aussi, après avoir réussi à se mettre son propre public à dos en battant des records dont on ignorait jusqu'à l'existence (par exemple le nombre de matches consécutifs sans victoire au Parc : peu de monde s'intéressant a priori à ce genre de statistiques en début de saison), le club francilien a su réagir en battant Lens puis Valenciennes.
Seulement voilà, incapable de se voir en club de milieu de tableau, le microcosme parisien ne quitte pas son travers atavique et fait du dernier résultat en date une tendance générale. Il suffit donc d'une victoire au Parc face à Lens pour que ces supporters qui conspuaient leur équipe dimanche dernier la croient désormais invincible en championnat sur ses terres. Et il suffit d'un joli match contre Valenciennes pour que d'autres recommandent à Alain Cayzac de commencer à faire une petite place dans l'armoire à trophées en vue d'y glisser une petite coupe de la Ligue d'ici peu. Sans parler de ceux qui en huit jours ont cessé de s'interroger sur leurs futurs déplacements à Laval et Dijon fin 2008, pour rêver de Madrid et Liverpool.
Le PSG se voit déjà beau, alors qu'il reste bien des raisons de ne pas verser dans l'euphorie, que ce soit à court, moyen, ou même long terme, et ce malgré les bonnes surprises d'un début de janvier pourtant historiquement difficile à Paris.
Court terme :
Dès demain, Paris se déplace à Lorient. Mais ce match est loin d'être gagné d'avance. Bien sur, le PSG peut compter sur la confiance accumulée grâce à son bon parcours hors de ses terres en 2007. Les hommes de Le Guen ont jusqu'ici connu une remarquable réussite à l'extérieur, y engrangeant 18 de leurs 25 points.
Mais d'autres facteurs sont à prendre en compte. Tout d'abord, la fatigue. Les Parisiens ont joué mercredi alors que les Lorientais, éliminés par le PSG au tour précédent, sont quant à eux restés au repos. Si le rythme d'un match tous les trois jours ne pénalise normalement pas toujours l'équipe qui joue plus que l'autre, là, il ne faut pas oublier que les coéquipiers de Yepes ont été réduits à dix très tôt dans la partie. La débauche est donc plus importante qu'à la normale.
De plus, portés par la volonté de reconquérir leur public, ils n'ont pas voulu s'économiser une fois le score acquis. L'attitude d'un Chantôme par exemple, qui multipliait encore les courses en contre-attaque à 3-0, ou 4-0, ne peut qu'avoir laissé de profondes traces dans l'organisme.
L'exclusion du Colombien va également entraîner une automatique réorganisation au sein de la défense centrale. Suspendu, il ne pourra tenir sa place aux côtés d'un Camara qui retrouvait pourtant la plénitude de ses moyens. Si Bourillon a fort bien tenu sa place contre Valenciennes, qu'en sera-t-il demain en Bretagne ? Quand on sait comme Le Guen rechigne à modifier sa charnière, on comprend la prise de risque toujours inhérente à ce genre d'opération. De plus l'ancien Rennais n'a pas joué en L1 depuis le début du mois d'octobre. Pourra-t-il tenir le rythme ? Et pour corser le tout, Camara devra glisser à gauche de l'axe, poste où il a moins de repères. Ce changement gênera-t-il sa progression, constante ces derniers mois ? Le regain de confiance inhérent aux derniers résultats ne sera pas de trop pour les deux compères de la défense centrale.
Moyen terme :
Si les Parisiens ont justement mis longtemps à retrouver cette confiance qu'ils avaient égarée aux abords de la Porte de Saint-Cloud, quelques gestes tentés, et réussis face aux troupes de Kombouaré montrent qu'elle est désormais bel et bien de retour.
Le contrôle avec feinte de corps de Mendy qui efface son défenseur avant de remettre un ballon parfait dans la course de Rothen, le coup du sombrero avec frappe enchaînée de Cearà, le centre premier poteau en pleine course de Armand, les ouvertures dans l'espace de Chantôme.... Voilà des gestes que le public Parc des Princes avait perdu l'habitude d'admirer, en tous cas en dehors du petit écran.
Seulement on peut se demander si à l'image de leurs supporters, certains joueurs du PSG ne vont pas tomber dans l'euphorie, et se croire arrivés. L'habitude de réussir des performances à l'extérieur, combinée à une pointe de suffisance, maladie chronique au Camp des Loges (et inexplicable au vu des dernières saisons du club), tout cela pourrait en amener certains à ne plus consentir aux efforts nécessaires à l'exécution des tâches ingrates.
Il faut par exemple espérer que Amara Diané redescendra sur terre plus vite que Bernard Mendy ne l'avait fait après le grand pont infligé à Roberto Carlos. Les propos de l'entraîneur parisien à l'égard du TGV d'Abidjan sont limpides : « Il est en pleine réussite, pourvu que ça dure. (...) Amara a besoin d'enchaîner des matches, pas forcément à ce niveau-là, mais des matches de qualité. Il doit faire preuve de constance et rester concentré. » Car si la mise en garde vaut sans doute aussi pour d'autres, n'oublions pas qu'avec le départ de Frau, le refus de Gouffran et la blessure de Digard, Diané est désormais la solution numéro 1 au poste de milieu droit.
Poste de milieu droit qui n'est d'ailleurs pas le seul pour lequel il faut n'espérer aucune grosse baisse de régime, ou désaffection : la blessure de Digard, mais aussi le manque relatif de profondeur de banc font qu'en milieu de terrain Le Guen ne peut plus compter que sur les néo-pros. Tout comme au poste d'arrière gauche. Quant à celui de milieu gauche, si Rothen venait à se blesser, il n'y aurait carrément plus de spécialiste pour le remplacer, Gallardo s'étant montré incapable par le passé de ne pas systématiquement repiquer au centre. Une seule blessure grave, ou une suspension longue durée à un poste clef, comme Frau avait pu le vivre, et le PSG se retrouverait immédiatement dans une situation critique.
Long terme :
Les affaires Gouffran et Fred présentent de telles similitudes qu'on ne peut évoquer la coïncidence. Il s'agit de deux joueurs se déclarant attirés par le club, et pour lesquels Paris propose un salaire conséquent. Pourtant, deux fois, le PSG essuie un échec.
Qu'est-ce qui peut pousser des footballeurs qui il y a quelques années seraient venus à Paris sans se poser la moindre question à décliner aujourd'hui les offres du club de la Capitale ? Plusieurs hypothèses expliquent ces troublantes décisions : tout d'abord l'état de crise chronique dans lequel le PSG se débat depuis des années. On peut la juger justifiée ou non, créée de toutes pièces, ou largement exagérée par une certaine presse, mais en revanche la nier semble impossible : une interminable crise a pourri les dernières années du Paris Saint-Germain.
Or, si ce club a toujours été jugé plus difficile que les autres, peut-être un changement de génération parmi les joueurs fait-il que ces derniers ne voient plus l'intérêt de venir rejoindre la Capitale. Un jeune de 20 ans comme Gouffran, ou un Brésilien de 24 ans, où étaient-ils lorsque les Parisiens ont vécu leurs années fastes ? Le Normand avait cinq ans à peine lors du mythique PSG – Real ! Ce qui faisait partie du vécu de tous les footballeurs stagiaires de la génération de Landreau ou Rothen n'est plus qu'une ligne dans les livres de l'histoire du club pour un Fred.
Cela ne peut avoir la même force qu'une soirée vécue devant le poste de télévision, ou mieux encore, au stade. Les jeunes joueurs qui arrivent désormais sur le marché des transferts n'ont jamais vu le PSG régner sur l'Europe. On peut comprendre que sportivement ils perçoivent ce club comme à peine plus attirant qu'une légende à demi-oubliée, du type Saint Etienne.
Il faut donc se demander si les désagréments vécus par la cellule de recrutement parisienne ne vont pas se multiplier dans les prochaines années, et si le PSG ne se verra pas dans l'impossibilité de recruter tout joueur de renom bénéficiant d'autres offres. Et ce d'autant plus que le conflit ouvert entre les associations de supporters et le club ne peut être considéré comme définitivement réglé.
La décision de reprendre les encouragements n'a pas encore été annoncée par ces fans. Mais quand bien même elle serait effective dès demain face à Lorient, nul doute que cette grève laissera de profondes traces. Les revendications concernant le recrutement n'ont toujours pas été remplies, et le moindre faux-pas entraînerait un catastrophique retour en arrière au niveau du classement. A ce titre, et même si elle prend d'autres formes, on imagine que la grogne de certains ne peut que continuer.
Les relations entre supporters et dirigeants, mais aussi entre supporters et joueurs mettront du temps à se normaliser. Il s'agit de voir deux clans retrouver confiance de l'autre, alors qu'il les a blessés et déçus. Il s'agit forcément d'un motif d'inquiétude à long terme pour le club, qui préfèrerait compter sur la promesse de soutien inconditionnel montrée par l'Union Sacrée plutôt que sur l'épée de Damoclès que le souvenir de la grève actuelle fera désormais peser.
Les victoires obtenues avec la manière contre Lens et Valenciennes ont apporté du baume au cœur aux supporters, et donné une bouffée d'air frais au groupe professionnel. Les uns et les autres peuvent désormais de nouveau rêver à des lendemains qui chantent. Il s'agit simplement de ne pas oublier que rien n'est encore acquis... et que pour l'instant, il ne s'agit malheureusement que de rêves. C'est peut-être en gardant pour une fois la tête froide qu'enfin, un jour, notre histoire deviendra légende ?