"A trois semaines, il était déjà en photo sur un terrain de foot !" Jean-Pascal Clément, tonton de Jérémy, plante le décor. "Avec son père, on jouait dans l'équipe des seniors de Rives (38), il nous suivait partout, il a vraiment baigné dans le foot". Dès cinq ans, il réclame sa première licence. Mais le gamin n'a rien d'un débutant. Après une finale de Coupe de Rhône Alpes, Lyon et Saint-Etienne le convoitent. Dans la région, il était déjà redouté. "C'était une petit garçon blond frisé comme les blés, raconte son oncle. Chaque fois que les adversaires le voyaient arriver, ils disaient : "Oh non, pas encore le petit blond". On va encore s'en prendre un ou deux". Car c'est comme attaquant que l'OL est venu le chercher à 12 ans. D'abord en section sport-études, Lili (c'est ainsi qu'on le surnomme dans sa famille) ne s'habitue pas à l'internat. "Tout seul dans une chambre, ce n'était pas facile, raconte Monsieur Clément. Ca change du cocon familial, il a failli arrêter car c'était trop dur, il voulait revenir chez ses parents".
Mais c'était sans compter sur l'organisation et le soutien sans faille de son entourage : "C'était un coup les grands parents, un coup l'oncle, un coup le père, on allait lui rendre visite, on faisait 70 km aller et 70 km de retour". Autant le dire tout de suite, la réussite de Jérémy Clément, c'est d'abord une affaire de famille : "L'année où il est champion de France avec les 16 ans, on l'a suivi partout, à domicile comme en déplacement, c'était notre plaisir". Robert Valette, coach de la CFA de l'OL, confirme : "L'entourage de Jérémy a été très important pour lui car sa famille est saine". Valette l'a eu trois ans sous sa coupe. Il se rappelle : "D'un bon mec, qui n'a jamais posé problème, un bon petit gaucher. Je n'ai que de bons souvenirs avec lui. Un équipier modèle, très apprécié. Par exemple quand on faisait des matches à la fin des entraînements, je laissais les joueurs faire eux-mêmes les équipes, Jérémy était toujours choisi dans les premiers. C'est un bon indicateur, ça veut dire que les joueurs avaient besoin de lui. Il ne lâche rien. Il aime se défoncer pour ses copains. On a besoin de ces joueurs de club. Ce sont eux qui mettent en valeur les autres".
"Il a beaucoup appris de Florent Balmont"
Depuis son plus jeune âge, il avale les kilomètres. Beaucoup disent qu'il a quatre poumons. Bernard Lacombe apprécie : "son application. C'est un homme de devoir". Valette le décrit comme : "Un grand récupérateur de ballons toujours en mouvement, en activité. Il faisait beaucoup de chemin, il était difficile à suivre et performant sur son adversaire. Il a beaucoup appris de Florent Balmont, avec qui il a joué à ses débuts". C'est Paul Le Guen qui le lance dans le grand bain. Deux bouts de matches la saison 2002-2003, 18 apparitions en championnat, 5 titularisations et un but l'année suivante. Aux côtés des Juninho, Diarra, Essien, il a de quoi s'inspirer. Difficile, en revanche, de se faire une place dans l'ombre des stars. En 2005-2006, Houllier le titularise cinq fois pour quinze apparitions en L1, six matches en C1. En avril 2006, Lyon lui propose un contrat jusqu'en 2010. La prolongation, flatteuse, ou des offres d'autres clubs de L1 ne firent pas le poids face à l'appel outre-Manche de Le Guen."Avant d'y aller, il avait le choix entre avec Monaco, Saint-Etienne, Marseille, nous apprend son oncle. Mais PLG a beaucoup penché dans la balance". Un choix qui s'est révélé positif. "On est allé le voir en Ecosse, renchérit Jean-Pascal Clément. C'était le top. Il était très estimé et applaudi là-bas".
Janvier 2007. Retour en France. Non sans hésitation... Ca se jouait entre Lyon et Paris. L'OL, pour se rapprocher de sa famille. Paris, pour retrouver Le Guen. "Il a appelé Houllier, qui lui a dit qu'il ne pouvait pas lui promettre une place de titulaire, fait savoir Monsieur Clément. Or c'est maintenant qu'il doit se faire voir. Quand il a su que Le Guen le voulait, il n'a pas hésité". Bernard Lacombe, conseiller du président Aulas, donne sa version des faits : "On n'a pas cherché à le récupérer l'hiver dernier. C'était écrit dans les journaux qu'on le voulait mais ce ne serait pas logique car il était parti au Rangers pour jouer, il n'allait pas revenir à Lyon pour être remplaçant à nouveau". Excepté sa blessure à l'aponévrose plantaire, ses débuts en Rouge et Bleu furent remarqués. Avec lui dans l'équipe, le PSG n'avait plus perdu pendant huit rencontres. "Il est un peu arrivé comme le sauveur mais il n'aimait pas ça, insiste le tonton. On disait qu'avec lui le PSG ne perdait pas, ça le gênait beaucoup. Ces derniers temps, il avait peur pour Le Guen, c'est un gars très émotif. Il se fait plus de souci pour les autres que pour lui".
"Le manque de résultats du PSG le mine"
Même chose début décembre après la bévue de Ceara contre Caen (16e journée, 0-1): "On était au Parc et après le match, il était tout triste. Il était plus en souci pour Ceará que pour lui. Il est vachement équipe, Jérémy. Souvent il me dit : "J'aimerais mieux être nul et qu'on gagne". C'est aussi quelqu'un de très gentil. Le manque de résultats du PSG le mine. Il nous dit que pourtant ils travaillent beaucoup, mais ils manquent de confiance". Jérémy est certes irréprochable sur le plan défensif, mais en attaque, il pourrait apporter davantage. Lui-même avoue faire un blocage. Qui ne date pas d'hier. Ainsi Valette sourit-il : "Il n'ose pas tirer ! Je l'ai toujours chambré sur ça. Il est gaucher mais il arrivait toujours en position de tir sur son pied droit. Il tire surtout du droit alors qu'il est gaucher. Ses frappes arrivaient au but après 16 ou 17 rebonds ! Il a une frappe de pinson, de moustique ! Je lui rabâchais : "Pourquoi tu ne tires pas du gauche ?". Je lui disais ça en rigolant mais c'était rageant".
Même son de cloche chez les Clément : "On lui reprochait toujours de ne pas aller vers l'avant, raconte son oncle. Il n'ose pas assez. Et pourtant ça n'était pas faute de lui répéter : "Mais bon sang, tire aux cages !"". Sur le terrain, c'est un travailleur de l'ombre. Dans la vie, le jeune homme fuit la lumière et les paillettes de la capitale. Dès qu'il a deux jours de libre, il redescend dans l'Isère, auprès des siens : "Quand il arrive, il faut toujours qu'il aille chez pépé et mémé manger un bon steak avec du beurre ! Il n'a pas changé et on lui dit souvent : "Tant que tu ne prends pas le courgeon, ça va !". On est très simples dans la famille et ce n'est pas le gars qui se met en avant, il est resté humble, heureusement". C'est aussi un grand joueur de poker et de tarot. Début novembre, il terminait troisième (sur 70) du Poker Challenge PSG. Mais heureusement avec Paris, il n'a pas abattu sa dernière carte...
Berthod : "Il se sent bien à Paris"
A Lyon, Jérémy Clément, Jérémy Berthod et Brian Bergougnoux formaient un trio inséparable. Dès l'âge de 14 ans, ils ont grandi ensemble au centre de formation, furent sacrés champions de France avec la CFA, avant de devenir professionnels. Vers Paris, Monaco ou Toulouse, leurs chemins se sont séparés mais leur complicité est intacte.
Le latéral droit de Monaco Jérémy Berthod prend le premier la parole : "J'étais déjà au centre de formation de Lyon quand il est arrivé. C'était quelqu'un de maigrichon, de timide. Ses débuts ont été difficiles car il devait rester dormir à l'internat et il ne connaissait personne. Moi, j'avais la chance de rentrer chez moi tous les soirs. Il a d'abord joué numéro 10, c'était un bon technicien, on l'avait surnommé Jay-Jay quand Okocha était à Paris. Il aimait bien ce joueur. Il avait une bonne technique mais il manquait un peu de physique. Vers 16-17 ans, il s'est étoffé et s'est imposé en CFA. C'était un gagneur, il ne supportait pas de perdre, même dans les petits jeux à l'entraînement. A l'école, il était sérieux et doté d'une certaine intelligence mais il a du lâcher l'année du bac car il s'entraînait de plus en plus avec les pros. Son premier match en L1, c'était le 24 avril 2004, le jour de mes vingt ans. A Paris, il m'a dit qu'il avait choisi le numéro 23 car c'est celui que je portais à Lyon. Ca m'a touché. Jérémy, c'est mon meilleur ami dans le foot mais aussi dans la vie."
"En formation, je le voyais plus que mes parents. En plus, on était dans la même classe. On a un peu le même caractère, les mêmes délires. Il suffit de dire un mot clef et qu'on se tape une demi-heure de fou-rire. C'est ce qu'il s'est passé avant le dernier Monaco-PSG (8e journée, 1-2) ! Quand je partageais sa chambre pendant les mises au vert, je le traitais de 'bordélique' ou 'd'associable' car il ne rangeait rien. Quand il prenait sa douche, il mettait de l'eau partout. On aime bien la chanson française, Michel Sardou, Johnny Hallyday... Il aime bien faire les boutiques, bien s'habiller et il s'achète toujours des casquettes. Il a son caractère, il ne se laisse pas marcher dessus. Même quand il jouait moins à Lyon, il a toujours gardé une grosse confiance en lui, son mental est resté intact. J'avais un peu peur pour lui car à Lyon il rentrait tous les jours chez lui à Grenoble. Il est très famille, amis. Parfois il faisait la route pour rentrer chez ses parents juste pour une soirée. Au PSG, il a du temps de jeu et il se sent bien". Brian Bergougnoux fait aussi partie de la garde rapprochée de Clément.
Bergougnoux : "C'est un boute-en-train !"
L'attaquant du TFC révèle à son tour : "Au départ, il ne m'aimait pas trop car j'étais turbulent et lui plutôt calme et tout gentil. C'était le chouchou de tout le monde. J'ai arrêté très tôt l'école alors que lui a fait de vraies études ! C'était plus l'enfant sage et on essayait de le dévergonder. Ce n'était pas gagné mais on y est un peu parvenu. Niveau foot, on le comparait un peu à Fernando Redondo car ce sont les mêmes profils. Il me fait aussi penser à Gutti. Quand il était à Lyon, il n'arrêtait pas de nous répéter : 'J''aime le foot mais je suis tellement proche de ma famille que je resterai à Lyon'. Au final, c'est lui qui est parti le plus loin ! En Ecosse et puis aujourd'hui à Paris il me dit : "Je suis au PSG et j'y suis bien !" Sinon, il aime trop chambrer. On était un petit groupe à Lyon avec Bethod, Govou et Clerc. C'est un boute-en-train. Un exemple, quand à la fin des entraînements on faisait de petits matches, on se mettait des notes sur le tableau dans les vestiaires et lui il écrivait des trucs comme "Govou absent". Nous on le chambre souvent sur son côté râleur. Il n'est jamais content, très impatient, par exemple si l'avion a du retard à l'aéroport, il va râler."
"Il est hyperactif, on dirait un enfant. Aujourd'hui, c'est facile, on le chambre sur le classement du PSG. J'ai récemment rejoué contre lui avec Toulouse (18e journée, 1-2). Je trouve qu'il perd moins de ballons et il est beaucoup plus agressif dans son jeu, peut-être a-t-il acquis cela en Ecosse. Il se repose un peu moins sur ses qualités techniques. Dans la vie, c'est quelqu'un de calme, de très simple, il préfère un bon repas entre amis mais quand il faut suivre, il va en boîte... A Lyon on jouait beaucoup aux cartes, à la coinche. En CFA, la veille de la finale du championnat de France, on devait être titularisés Jérémy Berthod et moi, mais pas lui. On a fait le forcing auprès du coach en lui disant : "Regardez comment on joue bien aux cartes ensemble. Si on joue aussi bien demain, on va gagner, c'est sur". Le coach l'a finalement mis titulaire et on a gagné. Rejouer avec lui serait un rêve, surtout à Paris, je viens en courant !"
Emilie Pilet