Marseille-PSG. L'une des affiches de la saison. Un match tellement particulier que tout au long de la semaine, les joueurs se sentent obligés de répéter à l'envi que c'est un match comme les autres... ce que pour les autres matches, ils ne précisent pourtant jamais.
Les journalistes, eux, nous réécrivent saison après saison les mêmes articles, dans lesquels ils nous expliquent qu'objectivement, cette rencontre devrait être perçue comme un match lambda. Sauf que si c'était vraiment un match banal, prendraient-ils la peine de nous le démontrer ? Sur Canal + aussi, rien de spécial pour cette rencontre comme les autres ; sauf que Philippe Doucet étrennera sa nouvelle palette 3D pour l'occasion. Coïncidence, faut croire.
Quant à Cayzac, il se dit persuadé que ce déplacement à Marseille n'a rien de particulier. Du coup il a éprouvé le besoin de tenir un exceptionnel discours à ses joueurs... Causerie dans laquelle il n'aurait de son propre aveu communiqué que des généralités. Un exposé sans but bien précis qui, par un surprenant hasard, s'est calé juste là, pile à trois jours du clásico.
C'est bien simple, ce match, vu du dehors il est limite tellement comme les autres, que ça en deviendrait presque un cas à part.
Sauf que de l'intérieur, pour les supporters des deux côtés, il n'y a plus de faux semblant : on l'avoue, un OM – Paris SG, c'est un match à part. Pourquoi tourner autour du pot, ou se cacher ? Les Parisiens n'aiment pas les Marseillais, et les Marseillais n'aiment pas les Parisiens. C'est comme ça, c'est écrit, cela fait désormais partie de nos patrimoines respectifs : pour les tifosi des deux clubs, l'autre tient le rôle de meilleur ennemi et aujourd'hui c'est non négociable. Un axiome.
Mais voilà, penser comme tout le monde, et aller dans le même sens que l'ensemble des supporters, je trouve que ça n'apporte pas grande satisfaction... Du coup, pour changer un peu, j'ai décidé, en mon âme et conscience, de ne plus être anti-Marseillais. Non. Désormais, et après mure réflexion, mon club ennemi, c'est Lorient. Na !
Pourquoi Lorient ?
Tout ne s'est pas fait en un jour : une fois prise la décision de changer d'adversaire n°1, encore me fallait-il choisir avec soin le futur élu. Or, Lorient m'a paru le candidat idéal.
C'est que la première qualité d'un ennemi intime, c'est que l'on doit pouvoir suffisament en profiter. En effet, quel intérêt de haïr un club dont on ne croise jamais aucun supporter ? Pas de risque, pas d'adrénaline, rien. Il faut que l'on soit susceptible de croiser un fan adverse à tout moment, frôler la rencontre à chaque coin de rue, juste histoire de sentir son cœur s'emballer à mesure que monte l'irrépressible envie d'étrangler ce supporter que l'on aime à détester avec l'écharpe de son club.
Or, là, Marseille est bien trop éloigné de Paris. On parle de "derby de France"... Fumisterie ! Les supporters phocéens que nous croisons dans les rues de la Capitale ne sont que des ersatz, de pâles copies. Des supporters tribune canapé, qui n'ont jamais vu le vélodrome que sur petit écran, et qui perdent leur accent marseillais dès la fin de la retransmission.
Des Bretons en revanche, à Paris, il n'y a que ça ! C'est bien simple, il m'est impossible d'aller en soirée sans rencontrer au moins un ou deux membres de la confrérie du Biniou et du Chouchen. Ils sont partout ! De plus, et c'est un phénomène que je ne parviens d'ailleurs pas à m'expliquer, ils parviennent systématiquement à vous placer dans la conversation leur condition d'émigrés celtes, et ce en moins de temps qu'il n'en faut à Rothen pour parcourir un kilomètre sur l'A13.
Mince, je suis incapable de me déclarer Parisien à chaque soirée que je fréquente, moi ! Comment font-ils ces Bretons pour qu'on soit au courant de leurs origines troubles après une simple poignée de Curly ? Ca laisse rêveur... Mais quoi qu'il en soit, depuis que j'ai changé de club ennemi, à chaque fois que je sors il y a matière à débats enflammés avec de véritables autochtones !
Autre détail d'importance, l'identité du club. Et là ça colle à fond : Paris, Capitale de la France, opposé à Lorient, localité d'extrême Bretagnie. Parfait ! Peut-on considérer comme Français des personnes nées dans ces contrées où la farine beurrée a valeur de pâtisserie fine ? Soyons sérieux... Nous n'avons pas les mêmes valeurs.
C'est d'ailleurs pourquoi je n'ai pas choisi Rennes : tout d'abord à cause de la taille. Trop grand, Rennes ! C'est quasiment une vraie ville. Et en plus c'est trop proche de la civilisation. On a beau faire, ils profitent quand même un peu de notre culture les Rennais, par rebond. Alors que Lorient, aucun souci, la Lumière ne va pas jusque là-bas. Je ne suis même pas sur qu'on y parle le français. Lorient est pile dans le cœur de cible en mode « tout nous oppose ».
Après, il faut chercher quelques vieilles querelles, des inimitiés qui pimenteraient un peu nos relations. Pour le folklore. Avec Marseille il y a de sombres affaires de supporters lâchement agressés, mais que c'est les autres qui ont commencé (argument merveilleux puisqu'il marche dans les deux sens avec une égale validité), des vestiaires javélisés, des matches pourris par des agressions, bref on a le choix.
Mais je ne baisse pas les bras. Lorient a déjà un gros avantage, ils ont accueilli Fiorèse. Notre ex-milieu droit aux qualités émétiques déjà reconnues jusqu'en Europe centrale avant même sa signature à Lorient a depuis encore aggravé son cas : qu'il ait éprouvé le besoin de nous en planter deux sous le maillot des Merlus, cela ne peut jouer qu'en faveur de ma campagne anti-Lorientaise. Merci à lui.
Rajoutez ensuite l'ignoble comportement de Christian Gourcuff qui a préféré envoyer son fils à Milan plutôt qu'au Parc (bon, on se motive comme on peut, mais c'est pour la bonne cause), et vous avouerez que ça commence à faire. Maintenant, si on prend en compte le fait que de l'avis même du quotidien le Parisien, les défaites estivales au Parc contre les Tangos auront suffi à nous pourrir nos deux dernières saisons -et moi, si c'est écrit dans le Parisien, alors je le crois !- là, on est bien forcé de s'incliner !
Voilà un club qui passe son temps à relancer nos joueurs détestés, un staff qui dès qu'il le peut nous met des bâtons dans les roues lors des mercatos, une ville dont les supporters foisonnent chez nous alors que tout nous oppose, et un groupe face auquel une défaite vous ruine la saison. Si ça c'est pas un club ennemi, je ne sais pas ce que c'est...
Comment vivre anti-Lorientais
Une fois ce constat établi, il ne me restait plus qu'à vivre pleinement mon statut d'anti-Lorientais. Ce qui, il ne faut pas croire, exige certaines initiatives bien spécifiques. C'est tout un art...
Tout d'abord, je me suis confectionné une superbe écharpe pour exposer ma nouvelle philosophie. Une écharpe « anti-Lorientais ». Je vous sens envieux, mais inutile de la chercher dans le commerce : elle est collector, faite à la main. Du plus bel orange, j'y ai dessiné un merlu sur lequel j'ai apposé un viseur. Ce qui est un peu con d'ailleurs, parce que personne ne tire sur les poissons au fusil à lunette, mais la canne à pèche brodée fil d'écosse ne rendait pas très bien, alors bon, je me suis dit "tant pis, va pour le viseur"...
Après, je n'oublie jamais lors des présentation des scores au Parc, en fin de soirée, de m'extasier si par bonheur le club honni a perdu. Ah... que je découvre un petit « Lorient 1 – 2 Toulouse » sur les écrans géants et c'est la semie-molle assurée. Cris de joie et poing rageur en prime, histoire de prouver à mon entourage que je suis un vrai, je ne lésine pas sur les moyens. C'est bien simple, en cas de défaite du Paris Saint-Germain, si j'apprend que Lorient a perdu alors l'amertume en est tout de suite atténuée. C'est pas l'extase, mais disons que ça fait passer la pilule.
Dès le début de la saison, je coche les dates de nos affrontements sur mon calendrier. Question de fierté, ce sont les matches à ne pas perdre. Du coup je me tiens au courant : je suis un peu leur actu, je regarde pas mal de leurs rencontres. Il faut bien : en tant que Parisien anti-Lorientais, je me dois de savoir tout ce qui se passe chez mon ennemi, c'est important. Dans L'Equipe, premier réflexe, je fonce lire les articles qui les concernent. C'est au cas où il leur serait tombé une tuile, pour rigoler. Du coup, je connais bien leurs joueurs et je peux vous dire que pour les battre, avec nos boulets qu'on a à Paris, c'est impossible. Ils sont trop forts, surtout en ce moment.
Ensuite, et même si l'adversaire du soir n'a aucun lien avec mes Lorientais, au Parc, à la moindre occasion je renouvelle à plein poumons mon indéfectible promesse d'entretenir des rapports anaux avec tout Breton se présentant sur mon chemin. Un petit 3-0 contre Lens ? Allez, je sors du Parc en entonnant un petit « Lorient, Lorient, on t'emplume » avec mes copains, histoire de marquer le coup et de finir sur une bonne note.
Alors ça me fait bien marrer ces histoires de rivalités entre le Paris Saint-Germain et Marseille. C'est tellement artificiel, créé de toutes part dans les années 1990. Magouille et compagnie, oui. Pour moi, la logique laisse pas le choix. Être Parisien, c'est simple : c'est être anti-Lorient, et point final.
A Lorient y a des mâts !
Sur leurs bateaux, des mâts !
Dans leur port y a des mâts !
Ce sont les Lorientais...