"Dès qu'il est arrivé au centre de formation, je l'ai appelé Marcel". Alain Blachon garde un bon souvenir des débuts de Camara à Saint-Etienne. Il avait 15 ans, arrivait du Racing Club de France (92). "Il me faisait penser à Marcel Desailly, explique l'ex-adjoint de Lacombe au PSG. "Zoum" avait une allure, une stature. Il dégageait de la classe, une grosse présence physique, c'était un monstre. Je pouvais le comparer à Desailly car je savais qu'il ne prendrait pas le cigare".
Né à Colombes en région parisienne, Papus (NDLR : Papus est le surnom donné à Zoumana depuis sa plus tendre enfance par son entourage) commence le foot dès 8 ans au Racing. Il y reste sept ans, avec entre autres Bruno Cheyrou. En "moins de 15 ans", le PSG approche Camara mais essuie un refus poli : "C'était l'époque du grand Paris, s'excuse le joueur. Le PSG me donnait envie mais je me disais que j'avais plus de chances de réussir dans des clubs de moindre standing". En 1994, Saint-Etienne met le paquet pour le faire venir. "A son poste, il sortait du lot comme Anelka à l'époque ou NGog", relate Blachon. "Heureusement que c'était il y a dix ans, aujourd'hui les clubs anglais nous l'auraient arraché ".
Sa formation se fait sans embuche. Dans le Forez, il rencontre son "frère", Jérémie Janot : "J'ai toujours dit que dans la vie, on avait tous un frère jumeau", raconte le portier. "Avec Papus, j'ai trouvé le mien. On vient du même environnement familial, on est issus d'un milieu ouvrier. On a les mêmes bases, on s'entend sur tout, on a les mêmes gouts et les mêmes analyses sur les choses de la vie. C'est un truc de fou". Tous deux percent en pro (L2) la même année (1996). Camara vient d'avoir 17 ans. D'aucuns disent que c'est un futur grand. Deux ans plus tard, direction Italie et l'Inter Milan.
Sur le papier, ça en impose. Mais Papus n'a que 19 ans... Une erreur de jeunesse ? Pas tout à fait : "Au départ dans mon esprit, je voulais m'imposer en France mais à l'époque, Saint-Etienne avait besoin d'argent. Pour me vendre à un club français, c'était compliqué car j'étais jeune et je coutais cher. Partir en Italie, c'était un choix difficile mais que je ne regrette pas". Là-bas, il côtoie beaucoup de Français : Silvestre, Cauet, Dabo, Frey, Djorkaeff... Sauf que lui fait banquette pendant six mois. Prêté à Empoli, il rejoue, sans plus.
Tapie : "Le jour où Zoumana rejouera, il pleuvra de la merde"
Camara choisit Bastia pour se relancer. En Corse, sa carrière commence pour de bon. 27 matches et 1 but plus tard, direction l'Olympique de Marseille. Il a 22 ans et connaît sa première sélection en Bleu (1er juin 2001, Australie-France, 1-0 en Coupe des Confédérations) mais son histoire avec l'OM se finit mal. Bernard Tapie, alors directeur sportif, ne supporte plus de voir son joueur blessé. Il le dit fini pour le foot, avec la délicatesse qu'on lui connaît : "Zoumana a tellement les adducteurs broyés, que le jour où il rejouera, il pleuvra de la merde".
Malgré tout, Paris et Lens se l'arrachent. Luis Fernandez lui rend visite sans toutefois le convaincre. Camara choisit Lens pour le challenge sportif d'un club qualifié en Ligue des Champions. Joël Muller s'en souvient : "Il est arrivé, malheureusement pour lui et pour nous, avec une pubalgie qu'il traînait depuis quelque temps. Je pense qu'il était diminué, il a fait une saison moyenne et mentalement ça devait le travailler le fait qu'il avait une blessure qu'on n'arrive pas à éliminer. Pour avoir eu une pubalgie pendant six mois, il y a de quoi se poser des questions, vous ressentez une douleur lancinante, ce n'est pas agréable". Mais Camara joue quand même. "Je l'ai utilisé dans l'axe, parfois comme latéral", précise Muller, "mais je sais qu'il préférait l'axe". Dans le Nord, il a plu, mais de la m... "Finalement, on n'a pas fait une saison exceptionnelle, on ne s'est pas qualifiés pour l'Europe et il est parti en 2004".
Pour Saint-Etienne, où Elie Baup n'attendait que lui. Sa blessure n'est plus qu'un mauvais souvenir et dans le Forez, il vit là trois saisons d'exception. Avec Vincent Hognon en charnière centrale, il fait la paire. "J'ai passé mes plus belles années de footballeur aux côtés de Papus. Notre association était très complémentaire", reconnaît Hognon. "C'est un gars posé, très calme, jamais un mot plus haut que l'autre, le coéquipier idéal". Ses points forts ? "Sa vitesse, sa puissance, il est très fort dans les duels et surtout son jeu de tête défensif. Dans ma carrière, c'est le défenseur avec lequel je me suis le mieux entendu".
L'été dernier, leur départ simultané a bouleversé l'équilibre de la défense stéphanoise. Pourtant pendant deux mois, entraîneurs, dirigeants et joueurs, toute l'ASSE s'est mobilisée pour garder Papus ! Très proche du joueur, Blachon n'a pas hésité : "J'ai tout fait pour qu'il reste. On a beaucoup discuté ensemble..." Avant de jeter l'éponge. "Il m'a donné ses arguments : il y a eu le décès de son père mais je crois qu'il avait fait le tour du club. Et surtout il avait l'opportunité de signer dans le club de son cœur, un grand club. C'était magnifique pour lui, et il se rapprochait de sa famille. Il n'a pas cédé. Là où je l'ai sensibilisé, c'est pour ne pas aller au bras de fer. Il a été réglo". Effectivement, il prend part à la préparation des Verts. Et le 24 juillet, ce qui devait arriver... arriva. Zoumana Camara s'engage pour quatre ans avec Paris. Sans surprise pour ses amis.
Futur capitaine du PSG ?
Jamel Belmadi le premier : "C'est très très important pour lui de jouer au PSG. Il joue dans sa ville, dans un grand club. Il est proche de sa famille, il est la relève, très proche de ses petits frères et sœurs". Vincent Hognon en a les larmes aux yeux : "Jouer au PSG était un souhait, beaucoup de joueurs rêvent de Paris mais lui aime vraiment ce club. Il en avait marre de cette instabilité tous les ans à Saint-Etienne".
Son transfert (presque six millions d'euros) fit beaucoup jaser. Trop de pression sur ses épaules ? Ce serait mal le connaître. Le temps de prendre ses marques et voilà que le PSG en devient accroc. Avec Yepes, ils ne laissent (presque) rien passer. "Le PSG est un club difficile, Blachon en sait quelque chose. Je n'ai pas été surpris qu'il se retrouve dans la difficulté, encore moins qu'il refasse surface. Il a eu la patience d'attendre, maintenant il est heureux. Avec Mario, Zoum c'est la force tranquille. Peut-être qu'associé avec un joueur plus technique, ç'aurait été plus sympa mais bon. Sa qualité est d'aller au duel".
Coéquipier modèle, Camara l'est sans conteste. Lorsqu'à la 79e minute en Coupe de la Ligue (PSG-Auxerre, 3-2), Mendy inscrit le but du 3-1, Zoum ne se force pas quand il va réconforter Landreau, quelques minutes après sa bourde. Beaucoup voient en lui le futur capitaine du PSG. Garçon simple, posé, humble, il est un exemple pour tous les jeunes du PSG. Et pas seulement : "J'admire son calme et l'extraordinaire force intérieure qu'il dégage", avoue Janot. "Ma plus belle réussite serait que mes enfants soient aussi bien éduqués que lui. Ils l'adorent". Zoumana Camara a reçu une éducation stricte et modeste.
Son père, était ouvrier dans une usine à Chelles (77), sa mère restait à la maison avec ses huit enfants. Jamel Belmadi a bien connu son papa : "Dès que j'ai vu le père, une personne exceptionnelle, j'ai compris le fils, se rappelle Belmadi. Je suis sur qu'aujourd'hui, il va puiser encore plus dans les principes qu'il lui a enseignés". De retour dans la région parisienne, le défenseur veille sur sa mère et ses sept frères et sœurs, dont la plus jeune a six ans.
Très casanier, il est "fan des séries télé américaines dont Prison Break" mais "pas branché Playstation" et d'une manière générale, regarde beaucoup la télé. Est-ce ainsi qu'il a développé ses talents d'imitateur ? En tout cas, Belmadi est formel : "Dans le vestiaire, il imitait à la perfection les entraîneurs de part sa gestuelle et son parler. Il le faisait régulièrement, on était morts de rire. Il imitait le mieux Tomislav Ivic et Abel Braga, les arbitres... Il a un réel talent, je suis sur qu'il est capable d'imiter Le Guen". On ne demande qu'à voir.
Elie Baup : "On lui prédisait une trajectoire de folie"
Dans chaque club qu'il a entraîné, Elie Baup a toujours voulu faire venir Camara. Il connait le joueur depuis qu'il a 15 ans et il a toujours cru en lui.
Elie, vous connaissez Zoumana depuis tout jeune...
Oui, depuis qu'il est arrivé au centre de formation de Saint-Etienne. J'entraînais les pros, il était chez les jeunes mais je le faisais monter pour des oppositions. J'ai toujours apprécié le joueur mais aussi la personne. Jeune, il en imposait, on lui prédisait une trajectoire de folie Il avait un gros potentiel. Certes, il est passé par de grands clubs mais on le voyait tout en haut, en équipe de France.
Pourquoi cela n'est pas arrivé ?
C'est surement une question de choix, de situations à un moment donné. Il y a des gros potentiels mais qui passent à côté. C'est un peu ce qu'il s'est passé avec David Sommeil, que j'ai eu à Bordeaux. Ils ont le profil mais... Papus n'a pas non plus été épargné par les blessures. Heureusement, il s'est bien relancé depuis son retour à Saint-Etienne (2004).
C'est vous qui l'avez rappelé ?
Oui. On a passé trois belles saisons. Il n'était pas d'humeur changeante, il aime la stabilité et avec Saint-Etienne, ça devenait lourd. Quand j'étais à Bordeaux, je voulais aussi le faire revenir mais cela n'avait pas pu se faire. Même cette saison avant qu'il signe à Paris, il était venu me voir à Toulouse, je voulais qu'il signe mais le PSG était loin devant dans son cœur. C'était son club, son objectif.
Quel est sa principale qualité ?
Son intelligence tactique. Il comprend les choses tout de suite. Il capte très vite les informations de ses partenaires, aussi vite qu'il les donne. Il a aussi des qualités athlétiques, dans le jaillissement, le placement, c'est un joueur complet. Ses interventions et ses relances sont propres. Humainement, il est attachant, calme, très apprécié dans le vestiaire, c'est quelqu'un avec qui on peut toujours dialoguer, échanger.
On sait qu'il aime imiter ses entraîneurs. L'a-t-il fait avec vous ?
(Sourires) A l'époque, il y avait concours entre Janot, Zokora et Camara. Papus n'était pas mauvais mais je crois que c'est Janot qui m'imitait le mieux ! Il était très fort.
Comme certains, le surnommiez-vous "Marcel" ?
Parfois oui car comme Marcel Desailly, il joue la tête haute. Il essaie de jouer propre. Il est efficace et dégage de la classe dans tout ce qu'il fait.
Emilie Pilet
Article et interview parus dans "Le Foot Paris" (n°43, avril 2008), actuellement en kiosques.