Retour en arrière... Printemps 98, il y a dix longues années. Paris vit une fin de cycle au cœur de l'ère Canal. Finie la présidence Denisot, stable, claire dans ses objectifs. Et finie la génération « épopées européennes ». Même si on ne le sait pas encore, après les départs de Weah, Valdo et Ginola les années précédentes, en 1998 ce sont les derniers survivants, les Roche, Le Guen, Guérin ou Fournier vont quitter le Paris SG, souvent par la petite porte. Un seul aura droit aux adieux que tous méritaient pourtant : Capitaine Raì.
Paris rencontre Monaco pour le dernier match de la saison à domicile, et le soleil se couche lentement derrière les griffes du Parc des Princes. L'heure de jeu sonne, et Ricardo demande que l'on effectue un changement. Le quatrième arbitre brandit un de ces tous nouveaux panneaux lumineux, si décriés, et affiche le numéro du sortant. C'est le 10... Sous les yeux des Parisiens, et sans que l'on puisse alors en prendre la pleine mesure, une page se tourne. Raì va quitter Paris.
Le joueur est adulé depuis qu'il a retrouvé son niveau, le Capitaine est respecté, son influence ayant plus d'une fois retourné des situations pourtant compromises. Mais surtout c'est l'homme qui grâce à son intelligence, sa classe et son charisme qui auront inondé le championnat de France aura marqué les esprits. La gentillesse, et la dignité, mêlées à un caractère inébranlable, exemplaire à tout point de vue laisseront un vide vertigineux dans le paysage Rouge et Bleu.
Chacun en tribune veut marquer le coup, et rendre à Capitaine Raì un peu de ce qu'il aura offert aux supporters. Tous savaient avant de venir que le Brésilien ferait ses adieux, et pourtant, une fois le moment venu, un trouble s'étend dans les tribunes. Le Parc se lève, applaudit et donne, sans retenue. En retour de la grinta, de la rage de vaincre et du respect des couleurs, Paris donne. Des chants, des applaudissements, et de l'amour.
Alors Raì se dirige vers le banc, lentement, comme perdu, puis court vers le Virage Auteuil. Pour prolonger son séjour à Paris. Pour vivre encore un peu, voler quelques instants sous notre maillot... Raì n'est plus sur le terrain, il court pourtant encore sur de bord de la pelouse. Mais il est déjà de l'autre coté. Du mauvais côté. Avec les joueurs remplaçants, et les ramasseurs de balle, les photographes, jardiniers, policiers... mais plus avec l'équipe. Plus avec le PSG, sur le pré.
Une défaite en guise de cadeau de départ
Là, l'impensable. Le Capitaine de le Seleçao, le champion du monde, l'homme aux nerfs d'acier qui n'aura jamais raté un penalty avec le PSG, l'homme qui même mené 3 à 0 par décision arbitrale n'aura pas tremblé, le monstre de dignité et de discrétion quand il s'agissait de lui, craque. Il fond en larmes, aux pieds d'un Auteuil sidéré.
Les supporters sentent leur gorge se nouer, de voir celui qu'ils admirent tant abattu, parcouru de sanglots. Les Parisiens vivent sa petite mort et chantent pour lui adoucir ces moments. La souffrance est palpable, elle s'écoule, intarissable. Raì se dirige maintenant vers Boulogne, quitte Auteuil pour la dernière fois. De séparations en séparations, les minutes s'égrènent, le maillot, le short, le numéro 10 laisse tout ce qu'il peut laisser de souvenirs, de présents. Tout ce que Paris compte de supporters vit avec Raì ces instants, oubliant tout le reste.
Le Paris SG n'est pas comme les autres clubs. Tout y est plus grand, en laid ou en beau, en joie ou en tristesse, et là personne ne sait s'il faut se réjouir d'avoir vécu tant de bonheur ensemble, ou pleurer en pensant que cela ne sera plus.
Pourtant, sur la pelouse, la partie continue. Et si les Parisiens n'ont plus rien à gagner dans un championnat abandonné depuis longtemps, il reste en revanche aux Monégasques quelques combats à mener. Ironie du sort, il ne s'agit que d'objectifs égoïstes, opposés à ces instants de communion et de partage parisiens, mais comment pourrait-il en être autrement à l'ASM qui ne mérite certainement pas le nom d'équipe. La coupe du monde en France se profile, et Jacquet, dont la légende retiendra plus tard qu'il avait tout prévu, est pourtant encore à la recherche de buteurs, à quelques semaines à peine du coup d'envoi. Osera-t-il retenir ces jeunes monégasques, Henry et Trézéguet, ou fera-t-il confiance à Anelka qui flambe à Arsenal ? Prendra-t-il Guivarch ?
Les attaquants du rocher, pour une fois sortis du désert de Louis II tiennent à se montrer, et Trézéguet récupère un ballon à quarante mètres du but parisien, adossé au Kop. Il fonce plein axe, et s'enfonce entre les lignes du PSG comme dans du beurre. Guérin pense-t-il à Barcelone et à ce but marqué aux côtés de son capitaine ? Et Ducrocq, le tout jeune, comment peut-il vivre le départ de celui qui aura partagé ses tous premiers matches ? Trézéguet avance, et Paris le laisse faire. Les tribunes sont focalisées sur les larmes de Raì, sur ce courant d'émotion qui traverse le Kop Of Boulogne. Le Franco-Argentin arme une frappe, il est loin encore, plus de vingt-cinq mètres, et Paris, la tête ailleurs, ne retient même pas son souffle. La balle fuse, elle semble sans danger, Vincent Fernandez plonge, s'étend et se détend, au maximum... mais il ne touche pas le ballon. But.
Paris, en cadeau d'adieu, n'aura rien trouvé de mieux que d'offrir en guise d'au revoir à celui qui l'aimait tant une défaite. 1 à 2, score final. Pas grave ? Pas si sur, pour celui qui avait tant fait pour systématiquement refuser la défaite, pour lutter contre elle, à chaque match. Et hautement symbolique de ce que les années post-Raì allaient réserver de déceptions, et de matches perdus bêtement.
Aujourd'hui, que reste-il de cette ère ? Des trophées qui commencent à prendre de l'âge, des matches européens qui ressemblent parfois plus à de l'Histoire qu'à des souvenirs... et la leçon de ce Paris SG – Monaco.
Paris avant tout !
Face à Saint-Etienne, tout à l'heure, pour le dernier match de Pauleta, il ne s'agira pas de se tromper de combat. Si le Paris Saint-Germain nous dépasse tous, il dépasse aussi l'Aigle des Açores. Certes Pedro Miguel restera le meilleur buteur du club pour de longues années. Certes, le café des Trois Obus entendra encore parler de son lob sur Barthez quand nos enfants auront pris notre place dans les virages. Certes Pauleta est un Dieu, et il mérite que l'on s'incline devant lui, qu'on lui montre que les Parisiens sont conscients de la chance qu'ils ont eu de compter dans leur équipe un tel buteur.
Mais le PSG passe avant tout.
Aujourd'hui, c'est le départ de Pauleta. Ce sont aussi les trente ans du Kop Of Boulogne. Mais aujourd'hui, c'est surtout la dernière occasion de prendre trois points à domicile. L'ultime opportunité de ne pas aborder la trente-huitième journée dans la peau d'un relégable.
Le Paris SG est un fantastique vecteur d'émotions. Les journalistes ne s'y sont pas trompés en titrant hier sur le départ de Pedro Miguel, en publiant interviews, panégyrique et éloges funèbres. Est-ce la bonne direction ? Aux supporters de se souvenir de la leçon de Raì, de cette défaite concédée sans résistance. Aux supporters de serrer les dents jusqu'au bout, en se rappelant les déclarations de l'Aigle des Açores : Pauleta ne veut pas quitter un Paris en L2.
Face à Saint-Etienne, chaque ballon comptera. Pour cette équipe habituée à encaisser des buts en fin de match, personne en tribune ne devra faiblir avant le coup de sifflet. Malgré ces évènements fantastiques que le coeur voudrait vivre pleinement. Parce que seuls, les joueurs, eux, reculeront. Si on les laisse faire, les joueurs cèderont. Contre Nice, Toulouse... ils ont craqué, contre Saint-Etienne, livrés à eux-même ils craqueront.
Ne pas pouvoir vivre pleinement ce départ, dernière punition d'une longue série
Pauleta va quitter la pelouse du Parc pour la dernière fois. Rendons-lui hommage. Mais la saison prochaine, les supporters, eux, seront encore au Parc. Mais sera-ce face à Bordeaux et Lille, ou face à Dijon et Brest ? Le rideau n'est pas encore tombé. Et le choix se fera peut-être une fois Pauleta sur le banc. Sur un ballon récupéré à quarante mètres, face à Boulogne. Sur un attaquant que notre milieu de terrain laissera armer une frappe lointaine, alors que Landreau s'étendra, se détendra...
Sauf si la pression des tribunes reste focalisée sur le terrain. La punition est sévère, mais mieux vaut en prendre conscience avant qu'il ne soit trop tard : Paris ne pourra pas vivre le départ de Pauleta détaché, sans arrière pensées.
Tout à l'heure, les supporters n'auront pas le droit de se tromper de combat. On ne peut faire confiance à cette équipe qui a besoin d'être tenue à bout de bras, faute de caractère. Il ne faudra rien lâcher, jusqu'au bout. Jusqu'au dernier corner, jusqu'aux arrêts de jeu, qui verront ce petit ballon traîner devant la surface, jusqu'au dernier dégagement dans la boîte... Jusqu'au bout du bout. Le Parc devra hurler à cette équipe sa haine de la défaite, son rejet de la descente.
Là est l'héritage de Raì, mais aussi des Susic, Dahleb et Dogliani. Tous ceux qui en leur temps se sont battus pour nous amener au plus haut. Le culte de la victoire.
Le terrain devra passer avant tout. Même avant les larmes, et la tristesse de voir ce buteur génial nous quitter. La victoire avant tout. C'est une question de vie ou de mort pour notre club. Pauleta comprendra. Impossible de se livrer. Vécue en tribune, cette sera atroce jusqu'au bout. Mais si on descendait, que faudra-t-il dire de la prochaine ?
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Exceptionnellement, pour la dernière ligne droite dans la lutte pour le maintien, la semaine prochaine verra une chronique par jour, publiée entre 16 h et 17 h. Allez Paris ! Joyeux anniversaire à Boulogne, adieu et merci Pedro... Mais allez Paris !, avant.