Tout d'abord et pour tous ceux qui ne connaîtraient pas cette émission, Arrêt sur images, parfois surnommée AsI est une hebdomadaire de France 5, diffusée tous les dimanche à midi et demie. Le but de cet ovni télévisuel est de reprendre les images diffusées concernant un certain thème lié à l'actualité, et d'expliquer comment elles ont été obtenues, ce qu'elles montrent et ce qu'elles ne montrent pas, etc. Tout cela afin de comprendre comment le téléspectateur peut se laisser influencer par des reportages biaisés, que cela soit fait exprès ou non.
Lors de la dernière, « Le PSG et ses hooligans : omerta ou diabolisation ? », Daniel Schneidermann et son équipe avaient invité deux journalistes (Jaoui de Stade 2 et Saccomano de RTL), ainsi que Christophe Uldry (alias Boat People), président de l'association de supporters Supras Auteuil 91. L'émission est disponible en intégralité – mais après montage – sur le site de AsI (http://www.france5.fr/asi/008182/13/139424.cfm). Je ne vais donc pas vous raconter tout ce qui s'y est passé, même si je vous conseille d'aller la regarder, mais juste tenter d'analyser les interventions les plus marquantes des uns et des autres.
Tout d'abord je commencerai par la prestation de Boat, puis j'évoquerai ce qui m'a déçu chez M. Schneidermann ainsi que ses acolytes, avant d'évoquer la lamentable prestation de Saccomano.
Boat People, ou les limites du modèle Ultra
Boat People est le président d'une association de supporters Ultra. Cela signifie, pour aller vite, que les membres de son groupe doivent toujours soutenir le PSG, et animer les tribunes, vocalement (chants) ou esthétiquement (tifos, chorégraphies, fumigènes). Lors de cette émission on sent que l'homme est plus que respectable et que ses propos sont sincères. Sauf qu'il a été placé, au cours de cette émission télévisée face aux contradictions du modèle Ultra.
En effet, Christophe Uldry insiste plusieurs fois, affirmant qu'il faut « faire une différence entre fumigènes et bagarre pour faire avancer les choses ». Le problème des fumigènes est symptomatique du décalage entre le monde Ultra et celui du spectateur. Il ne faut pas oublier que quoi qu'il arrive, les fumigènes sont interdits dans les enceintes sportives, et que de facto les membres d'associations telles que les SA sont considérés comme hors-la-loi.
Après, Boat a eu raison de souligner l'hypocrisie de la LFP qui condamne l'utilisation des fumis, mais utilisait des images de craquages dans ses lancements ! Il n'empêche que tant que les Ultras ne respecteront pas la loi, les étrangers au monde des tribunes ne pourront pas leur faire pleinement confiance. Je n'excuse pas pour autant toutes les personnes qui amalgament craqueurs de fumis et hooligans, car leur attitude est dramatique et injuste. Je dis juste qu'il faut comprendre que les Ultras sont vus à juste titre comme des personnes qui enfreignent la loi... même si le péché leur semble véniel.
Dans le même ordre d'idée, et le moment fut très dur, quand Christophe Uldry évoque le membre de son association ayant bousculé un caméraman. Boat a insisté sur le fait que cet acte était inexcusable, plusieurs fois. C'est de la part du président des SA91 une attitude responsable que tout le monde n'adopte malheureusement pas. Certains n'hésitent pas à nous faire passer des vessies pour des lanternes plutôt que de condamner les agissements de leurs ouailles dans la presse. Merci à lui.
Mais quand ensuite Boat a avoué que l'ultra en question ne serait pas exclu de son groupe... Disons que les mots sont déjà une bonne chose, mais s'ils ne sont jamais suivis d'actes, à quoi bon ? Or, et là encore il y a une choquante différence d'appréciation entre le monde Ultra et ce qui se passe à l'extérieur, oui, bousculer un journaliste est une chose très grave. Même le plus modeste des caméramen de la plus petite télé régionale. Au même titre que le plus connu des présentateurs du JT. Ce type d'agression choque. Il faut les condamner et en tirer les conséquences. Même si l'auteur est un ami du président, un gars charmant au naturel (je l'ai déjà rencontré et puis en témoigner) qui a, cette fois, perdu son sang-froid.
Là encore, il y a un problème de légitimité.
Les fumigènes, et la relative impunité pour les « dérapages » sont pour moi les limites du modèle Ultra. Limites qui font qu'à titre personnel, je ne me suis jamais carté. Pour le reste, Christophe Uldry a très bien évoqué la triste réalité du monde des tribunes. Il a su montrer, je crois, le meilleur visage possible pour les Ultras parisiens, grâce à son calme, sa pondération et sa rigueur. Or, sur le plateau de Arrêt sur images, tout le monde ne peut pas en dire autant.
David Abiker méprisant, Daniel Schneidermann parfois absent...
Je pense notamment à David Abiker, que j'ai trouvé presque méprisant à l'égard de Christophe. Or, les remarques du chroniqueur n'étaient justement pas toujours marquées du sceau de l'intelligence. Par exemple, lors de l'échange concernant les images des nazis au stade de Madrid. Alors que Laurent Jaoui affirmait que l'on pouvait voir à chaque match au Parc des gars torse nus, couverts de tatouages nazis faire des saluts hitlériens, Boat People a tenu à rectifier un peu :
Boat People : Je suis désolé de contredire Laurent : ce n'est pas toujours le cas. On entend encore des cris de singes. De manière plus discrète il y a parfois des saluts nazis...
Daniel Schneidermann : Il y a des saluts nazis discrets ?
David Abiker : (tournant le dos à Boat People, d'un ton dédaigneux) Oui, on les fait avec le doigt, comme ça...
J'ai ressenti ici et comme plusieurs fois au cours de cette émission le très net sentiment que les journalistes ne connaissaient rien du sujet qu'ils avaient choisi, ce qui peut arriver, mais qu'ils ne l'avaient pas du tout assez travaillé. Ce que je trouve inexcusable.
Oui, dans un stade il est possible d'effectuer des saluts nazis discrètement. Si Christophe Uldry n'avait été bloqué par cette fameuse contrainte de temps chère à Bourdieu, qui fausse toujours les débats télévisés, il aurait pu expliquer cela sur le plateau bien mieux que je ne vais le faire ici. Comme je le disais, les supporters Ultra ont pour vocation d'animer les tribunes, notamment grâce à leurs chorégraphies. Ces gestuelles élaborées ont lieu pendant certains chants. Il faut qu'elles soient visibles de loin, et que l'ensemble soit coordonné. Or, une fois debout, serrés en tribune, on ne peut plus rien faire si ce n'est agiter les bras. Alors pendant que des centaines de supporters croisent leurs deux bras sur la poitrine avant de les ouvrir tous en même temps, pendant que l'ensemble de la tribune lève les mains en l'air et applaudit largement sur un rythme convenu, oui il est possible de ne lever que le bras droit, après s'être frappé le cœur.
C'est un salut hitlérien perdu dans une foule de bras agités. C'est un salut nazi, avec tout ce que cela implique de monstruosité. Mais c'est discret. Comme serait discret un monstrueux Quasimodo, perdu au sein d'une foule au pied de Notre-Dame. N'en déplaise à David Abiker.
Maya Neskovic éblouissante
J'ai en revanche, et comme toujours, été sous le charme de la délicieuse Maja Neskovic. Son sujet sur la désinformation de TF1 était aussi choquant qu'édifiant le résumé des multiples interventions orales de Nicolas Sarkozy. Il aurait sans doute fallu passer davantage de temps sur la manipulation de TF1, qui n'hésite pas à coller tout et n'importe quoi sur le dos des supporters parisiens, plutôt que sur les résumés de la ridicule émission d'Eugène Saccomano. Avant de passer aux commentaires concernant ce « journaliste », je tiens à préciser que je ne comprends d'ailleurs pas comment Daniel Schneidermann, habituellement prompt à reprendre ses invités lorsqu'ils profèrent des énormités a pu laisser passer tant d'occasions de mettre Saccomano devant l'incongruité de ses propos... Là encore, je suis déçu.
Saccomano est-il malhonnête ou stupide ?
Car il faut bien insister sur le fait que M. Saccomano s'est montré plus que ridicule lors de cette émission. Par exemple, sur l'extrait où TF1 montre des supporters bastiais agressant un policier et des Madrilènes faisant des saluts nazis. Voici tout ce que l'animateur de RTL trouve à dire : C'est juste l'illustration du sujet ! Ils ne disent pas "on voit telle tribune...".
Mais tout de même ! Sur ces images de Corses et d'Espagnols, le commentaire en voix off était le suivant : Seuls 600 à 700 policiers étaient en service aux abords du stade(images du bastiais). C'est dans ce contexte qu'aujourd'hui l'avenir de certains clubs de supporters du PSG est clairement remis en cause (images des saluts nazis espagnols).
Si ça ce n'est pas de la désinformation visant à ternir l'image déjà peu réjouissante des Rouge et Bleu, qu'est-ce donc ? Et comment Saccomano peut-il oser dire que ce ne sont que des images d'illustration, que les supporters du Parc ne sont pas visés ? De telles affirmations, si clairement contredites par le montage de Maja Neskovic sont la preuve d'une mauvaise foi sidérante ! Ou d'une imbécillité totale...
Poursuivons avec l'histoire de la photo du fumigène : en une du Figaro, une photo montre des hooligans parisiens craquant un fumigène au Parc. Or l'étude des écharpes est formelle : tous portent la même, rayée rouge et blanc, et sur l'une d'entre elles on voit clairement le logo du club de Tel-Aviv. Ce fameux groupe de hooligans du Parc est en fait composé de supporters du club visiteur ! Qu'est-ce que Saccomano trouve à dire après cela, sans trembler ?
« Mais c'est un cas très spécial ! C'est le fait qu'à Paris il y a une communauté juive importante, composée pour beaucoup de supporters du PSG ! »
Très fort ! Même quand les hooligans, ou ceux considérés comme tels portent le maillot adverse, en fait ce sont quand même des supporters du Paris SG... Mais comment peut-on laisser dire des âneries pareilles ? Quand cessera-t-on d'essayer de toujours faire porter le chapeau aux Parisiens ? Quand comprendra-t-on que cette diabolisation stupide n'a qu'un effet : souder ceux qu'elle vise.
Non les supporters du Paris SG ne sont pas des agneaux. Oui, il faut condamner les actes racistes, ou violents, et punir leurs auteurs. Mais non, on ne peut pas laisser des animateurs mettre tous les Parisiens dans le même panier, ou les accuser de tous les maux, en dépit du plus élémentaire bon sens.
Pour conclure, je dirais donc que Maja Neskovic a une nouvelle fois fait honneur à Arrêt sur images, montant la dangerosité de certaines images. Je rajouterais que Christophe Uldry a fait preuve d'honnêteté, même si sa position n'avait rien d'évident. Daniel Schneidermann et David Abiker m'ont déçu, soit par leur manque d'à propos et de réactivité sur le cas Saccomano, soit par leur attitude légère, voire méprisante. Quant à Eugène Saccomano, dont j'appréciais la truculence et le côté badin, force est de constater après ces lamentables interventions qu'il est soit malhonnête, soit stupide. Personnellement je penche désormais pour la seconde hypothèse.