Pour la presse, au Paris SG, l'éviction d'entraîneur progresse lentement mais surement vers le statut ô combien pratique de marronnier. Après le marché des transferts durant l'été, puis la reprise, entre la désormais fameuse crise automnale (marque déposée par le Parisien), et les rumeurs de transfert de janvier, on a donc désormais le changement d'entraîneur.
C'est bien commode parce que sans trop se creuser le crâne cela permet à L'Equipe de dresser un bilan de quatre pages, avec portrait du nouveau coach, interview exclusive que l'on peut retrouver dans tous les journaux, analyse des échecs du précédent et étude sur les perspectives d'avenir. Quelle nouvelle tactique, quels nouveaux joueurs, quelle attitude du public... Toutes ces composantes essentielles de la vie d'un club sont bouleversées, et les articles coulent naturellement. Pas besoin de chercher bien longtemps pour trouver des idées, le boulot est tout de même plus facile qu'en période de vache maigre, quand il ne se passe rien nulle part, et qu'aucun club ne vit de bouleversement. Ah si seulement tout pouvait toujours changer, tout le temps...
Il faut que ça change ! (tout le temps)
Si seulement le Paris Saint-Germain pouvait virer ses entraîneurs toutes les six semaines ! Ou sans aller jusque là, si seulement le PSG pouvait vivre des périodes de cinq victoires consécutives, histoire que l'on ressorte des articles dithyrambiques l'envoyant directement sur le sommet de l'Europe, histoire que l'on puisse tresser des couronnes de lauriers à tous ses joueurs... oui des périodes d'un mois de victoires, mais alternées avec un bon mois de défaites. Comme ça, juste quand on commence à se lasser des compliments et autres articles cire-pompes, hop, on ressort la bonne vieille crise. Finalement la préparation physique n'était pas bonne, le coach fait jouer les joueurs à des postes qui sont pas les leurs, d'ailleurs il change trop souvent d'organisation ce qui perturbe ces braves professionnels déboussolés de partout... Ou alors au contraire il a une organisation-type et ne la change jamais, ce qui perturbe ces braves professionnels, usés par trop de matches pour ceux qui jouent, ou en perte totale et irrémédiable de confiance pour ceux qui ne jouent pas.
Ah... Voilà ce qu'il faudrait au PSG : la révolution permanente ! Si en plus les supporters pouvaient se taper dessus de temps en temps, et les joueurs s'engueuler avec le coach à propos de la cuisson des spaghetti lors de la mise au vert, histoire que pour se renouveler on ne parle pas toujours du terrain, ce serait parfait. Au Parisien, à L'Equipe, on veut des bouleversements, tout le temps. Sinon les lecteurs vont finir par s'ennuyer et ne plus acheter de papier !
Alors si par malheur le club a la mauvaise idée d'être stable, et bien ça n'arrange les affaires de personne. Et du coup les journalistes excédés, réagissent avec une certaine mauvaise foi. Prenons un exemple. Le Guen remplace Lacombe. Aaaaaaahhh ! Bah ça c'est bien ! Il y en avait marre de faire des articles sur la meilleur méthode pour se tricoter soi-même des pulls jacquard, ou sur la taille de la moustache et les replacements tactiques de Cissé et Rozehnal. Là au moins on va renouveler le stock ! On pourra se plaindre du fait que Le Guen ne sourit pas assez (on se demande ce que ça peut bien leur faire), et on trouvera quels garçons il ne fait pas jouer (parce que dans un groupe de vingt, sortir une équipe de onze laisse bien souvent des joueurs en tribune, quand on y pense), ça nous occupera.
Et pour peu que les résultats, le style de jeu, l'organisation tactique soit bouleversés, là ce serait vraiment, mais vraiment une bonne nouvelle.
Le Guen est une quiche
Seulement voilà, Le Guen a été hyper décevant... C'est vrai quoi, contre Toulouse il a fait jouer son équipe en 4-4-2, ce que Lacombe avait déjà fait avant, et le PSG n'a pas renoué avec la victoire. Mais à croire qu'il le fait exprès, c'est pas possible !
Alors comptez sur les journalistes pour le ne pas se laisser faire ! Par exemple Ménès, toujours honnête et de bonne foi, se plaint dans sa chronique : J'ai quand même pu assister à la première du PSG version Le Guen et franchement, je n'ai pas vu la différence.
Les problèmes sont toujours les mêmes : condition physique déclinante au fil du match, indigence offensive... Bref, rien de nouveau sous le soleil (enfin, façon de parler).
Mais quel boulet ce Le Guen ! Ah mais non, il faut appeler un chat un chat, zut à la fin. Le gars il arrive le mardi matin, et le mercredi soir la condition physique de ses joueurs n'a toujours pas été améliorée ?!? Non mais on croit rêver, c'est vraiment un incapable. Il aurait pu leur dire le matin du match, « bon, ça fait 24 heures que je suis là, maintenant vous êtes en forme, allez, ça suffit ! C'est décidé, désormais vous devez courir comme des lapins pendant toute la rencontre. Allez, ça c'est fait. Oh, et puis faudra marquer des buts aussi, parce que contre Valenciennes, avant que je sois là, vous n'en marquiez pas assez. Ouais, c'est une idée que j'ai eu dans ma voiture ce matin, qu'il faudrait marquer plus. Euh... Bah voilà, je crois avoir tout dit. Alors bon match, et à peluche. »
Parce qu'il a raison ce brave Pierrot. La présence de Saint Paul sur le banc aurait du apporter la lumière divine sur tout le club, et gagner quatre – zéro aurait été la moindre des choses. D'ailleurs Ménès n'est pas le seul à avoir montré son mécontentement devant le triste bilan du nouveau coach parisien (à peine un point par match : c'est pire que Guy !) : L'Equipe a cru bon d'aller dans le même sens, dans son sous-titre du compte-rendu de match. « Pour la grande première de Paul Le Guen, le Paris-SG a encore lâché deux points à domicile.
Accroché par une équipe toulousaine très physique, le Paris-SG de Paul Le Guen n'a pas fait bien mieux que celui de Guy Lacombe, remercié dimanche soir par Alain Cayzac. »
Des joueurs malpolis et égoïstes
Et bien voilà. Le PSG lâche encore deux points à domicile. C'est entièrement leur faute à ces brêles, comme d'habitude. Pas sur que lorsque Lyon a perdu il y a très longtemps (cinq jours ?) contre ces mêmes Toulousains, le quotidien sportif ait titré que l'OL avait lâché trois points à l'extérieur, mais bon. Alors oui, OK, Le Guen n'est pas un magicien, et en face il y a aussi une autre équipe, composée de joueurs qui n'ont pas tous forcément envie de perdre sans rien tenter contre le club francilien. Mais quand même ! Ils auraient pas pu gagner, non ? Ou carrément se vautrer, à la limite, histoire de déconner un peu.
C'est que dans la presse, on voulait du sensationnel. Du nouveau. Du scoop. Alors désolé pour les Toulousains, désolé pour Paul Le Guen, mais là ça suffit ! Mince, remporter trois points ce serait la moindre des choses. Seulement voilà, Le Guen est même pas fichu de faire mieux en douze heures que Lacombe en douze mois.
La terrible pression des envoyés spéciaux au Camp des Loges
Quant aux joueurs... Raaah, ces joueurs ! Mais ils sont carrément de mauvaise volonté. Pour pas dire malpolis, comme le souligne si justement le Parisien ! « Pour la première de Paul Le Guen comme entraîneur du PSG, ses joueurs n'ont pas eu la politesse de gagner pour saluer sa providentielle arrivée en lieu et place de Guy Lacombe. Outre une certaine élégance, cette victoire aurait eu le mérite de sortir le club de la médiocrité dans laquelle son effectif se complaît. »
Voilà, si ça leur fait plaisir de ne jamais gagner, et bien qu'ils continuent, cette bande de joueurs mal élevés. Et d'égoïstes. Ah, parce que eux ça les dérange pas, ils se « complaisent » dans ce marasme. Mais et les journalistes, ils y ont pensé aux journalistes ? Bah non. C'est que dans les salles de rédactions, ça rigole plus. On veut du chiffre maintenant ! « Alors mon petit Touboul, quoi de neuf, ils ont gagné cette fois vos parisiens ? Quoi, toujours pas ? Mais vous allez finir par vous faire virer vous aussi Coco, si ça continue... Faut du neuf là Coco, faut que ça change ». Hein, qui c'est qui payera les traites de la maison de campagne de Tarrago ou de Sévérac, quand ils seront à l'ANPE ? Qui ? C'est pas Le Guen, ni Pauleta en tout cas, je vous le dis ! Salauds va !
Après on s'étonne que les journalistes soient parfois un peu durs avec le club parisien... Mais c'est qu'ils ont la pression. Et puis faut la payer l'essence pour aller d'Issy les Moulineaux au Camp des Loges. Sans parler de leurs enfants, qui se font charrier à l'école parce que Papa est obligé d'aller au Parc pour faire son travail. Les gamins de Hermant, c'est en pleurant qu'ils rentrent à la maison le soir ! Décidément, c'est trop de stress la vie de journaliste. On comprend que les gars pètent les plombs et écrivent n'importe quoi après ça.
Alors à la lecture de la presse après les deux premières journées passées par Paul Le Guen au poste d'entraîneur du Paris SG, on a quand même la réponse à une question. Un changement d'entraîneur c'est un « électrochoc » pour les joueurs, un renouvellement de « fusible » pour les présidents, un « bol d'air frais » pour les supporters. Mais pour la presse, et bien ça ne change rien. Rien du tout. Il faut dire qu'après tout, il n'y avait pas de raison que cela leur enseigne la déontologie, l'honnêteté intellectuelle ou la peur du ridicule...