Vu de l'extérieur, les supporters parisiens forment un bloc. Comme si tout le monde au Parc pensait la même chose, au même moment. On rencontre ainsi régulièrement dans la presse des phrases du type « le public parisien a sifflé ses joueurs », ou encore « Paul Le Guen a toujours le soutien de tous les fans du PSG », etc. Comme si le Parc comptait 40 000 siffleurs, et autant d'inconditionnels du Coach.
En creusant un peu, on s'aperçoit pourtant que cela relève du pur fantasme. Un passage sur n'importe quel forum de supporters parisiens montre que contrairement aux idées reçues, les tifosi sont loin de tous avoir le même avis, quel que soit le sujet abordé. Là où certains voudraient changer d'entraîneur d'autres prônent la stabilité. Lors d'un mercato, chaque nom avancé comme idée de future recrue est aussitôt suivi de dix témoignages expliquant que le joueur en question est nul, et qu'il faudrait écarteler dans la minute tous ceux qui voudraient le voir signer à Paris. En bref, les supporters, loin d'être toujours unis, auraient plutôt tendance à ne jamais être d'accord sur rien.
Le souci ? C'est qu'au fond ils ne se connaissent même pas. Certains membres des associations voient leurs voisins de virage non cartés comme de potentiels traîtres briseurs de grève, traîtres qui considèrent les abonnés en latérales comme un ramassis de bourgeois passant leur temps à siffler leur équipe, alors que ces derniers voient les supporters non-abonnés comme des ersatz de fans tout juste bons à se taire puisqu'ils ne font même pas l'effort de se rendre au stade soutenir leur équipe.
Le trait est forcé, bien entendu, mais tout utilisateur de forum parisien avouera que ce genre d'aphorismes foisonne tout de même. Alors bien entendu, il ne s'agit pas de croire que du jour au lendemain le Parc va se transformer en un domaine où l'amour sera roi, où l'amour sera loi et où on se mettrait à citer des auteurs belges à tout bout de champ. Mais peut-être qu'en ces périodes de crises, de grève, de tensions entre supporters tiraillés par des avis divergents, si on se parlait un peu cela pourrait améliorer l'entente générale.
Or, il y a justement deux choses que l'on ne se dit pas, ou pas assez : « Merci », et « S'il vous plaît ».
Je vous rassure, il ne s'agit pas non plus de donner des cours de politesse à l'usage de celui qui ne penserait pas à tenir la porte des toilettes à son suivant lors de la mi-temps. Non. Il s'agit juste de la réflexion suivante : Les Supras ont décidé de publier un communiqué expliquant pourquoi ils poursuivraient leur grève dimanche contre Lens. Et comme d'habitude, ce texte a déclenché une tempête de critiques.
Quand se dit-on "Merci " ?
Il y a quantité de fans du PSG qui, à chaque fois qu'une association décide de ne pas chanter, élèvent leur voix et contestent ce choix. Leurs arguments sont parfois recevables, parfois égoïstes, le ton varie lui aussi, mais ce qui reste constant, c'est le nombre énorme de ces réactions négatives.
Mais qui pense à dire « Merci » aux supporters des associations après un match quelconque ? Attention, pas un de ces matches où les virages ont été animés d'un sublime tifo, préparé des semaines à l'avance. Non, juste un match lambda, avec sono, chant, banderoles, et basta. Un de ces matches genre «minimum syndical comme il y en a tant dans une saison. Une question : combien de ces matches-là une association comme les Boulogne Boys a-t-elle pu faire vivre aux Parisiens, en vingt-deux ans ? Cela doit dépasser le millier. Qui les remercie pour ça ?
Je crois personnellement ne jamais l'avoir fait. Et pourtant, je me suis élevé plus qu'à mon tour contre les grèves et compagnie. Alors on peut traiter les grévistes de supporters trop gâtés, comme on l'a déjà tous lu, et leur jeter à la face qu'ils s'arrêtent pour un oui ou pour un non. Mais réagir ainsi, n'est-ce pas montrer que l'on est soi-même bien mal habitué, pour penser que le travail des associations va de soi, qu'il nous est du ?
Non, venir des heures à l'avance pour sortir une sono, cela ne va pas de soi. Non, se réunir pour monter un déplacement, téléphoner à des autocaristes, et y passer le week-end, ou encore porter une bâche sur deux étages, rencontrer les dirigeants, tenir un site web, animer un stade, tout cela ne va pas de soi. Ce n'est pas parce que personne ne vous y force que ça n'en est pas moins prenant, exigeant, et ingrat. Ce n'est pas parce qu'on est volontaire que ça n'est pas difficile.
Alors je vais tenter pour ma part, et puisque j'ai la chance d'en avoir l'occasion, de me rattraper un peu. Tenter de dire merci. Merci pour ces petits riens qui une fois additionnés pèsent si lourd.
Merci pour ces couleurs qui grâce à vous habillent le Parc match après match. Merci pour la fierté de vous voir partout, tout le temps, chaque fois je visionne un de nos déplacements télévisés. Merci pour m'avoir parfois fait hurler de rire avec vos banderoles. Merci pour ces échanges entre les deux virages, hurlés à pleins poumons. Merci de montrer l'exemple. Merci pour les yeux perdus de ces supporters adverses, assis à côté de moi alors que j'allais en K, qui ne sont rien parvenu à se dire rien d'autre que « oh putain... », dix fois de suite, à l'entrée des joueurs. Merci pour tous ces pogos terminés trois rangées plus bas. Merci pour ces frissons qui m'ont parcouru l'échine quand je vous ai entendu chanter pour la première fois depuis Auteuil, un soir d'hiver 1994. Merci pour tous ces matches perdus, toutes ces soirées de merde, où vous étiez là, quand même, jusqu'au bout. Merci d'avoir créé le Ô Ville Lumière. Merci d'avoir défendu nos couleurs quand elles étaient attaquées.
Merci pour la fierté
Merci pour tout. Et le plus important :
Merci de nous rendre fiers d'être supporters du Paris Saint-Germain, si souvent.
Toutes ces choses qui paraissent évidentes ne le sont pas forcément. Alors oui, merci à vous d'exister, de travailler, de nous apporter de la joie et de la folie. Cela allait sans dire, cela va mieux en le disant.
Parfois, parler fait du bien. Maintenant, reste la seconde partie, le « S'il vous plaît »... Parce que lorsque l'on a quelque chose à demander, autant y mettre les formes. S'il vous plaît, comprenez tous ceux qui se tairont dimanche, mais qui voulaient chanter. Il n'y a pas haine là-dedans, pas de volonté de briser votre mouvement, ou de le dénigrer. Il n'y a que la tristesse des supporters qui croient que les joueurs ont besoin d'être soutenus, aujourd'hui plus que jamais, mais qui se sentent solidaires avec vous, aussi. Il y a le tiraillement entre la fidélité à une identité, celle des supporters parisiens que vous avez forgée, et le besoin de se lâcher de nouveau, malgré l'absence totale de victoire au Parc, qui est plus que jamais pesante.
S'il vous plaît, comprenez que malgré le classement, malgré l'absence de recrues, malgré tous les problèmes qui agitent le PSG, certains Parisiens ont hâte de chanter de nouveau. Hâte de sortir du Parc vainqueur ou vaincu, mais aphone, après avoir tout donné. Parce que pour tous ceux qui ont le cœur Rouge et Bleu, la joie de supporter, elle est là, aussi...