"Tout va bien, je suis heureux et considéré ici. Je me sens aimé par les supporters, par toute la ville." Les nouvelles de Rudy Haddad sont rassurantes. Après une adaptation difficile : "Les deux premiers mois, c'était dur, je ne parlais pas la langue et il faisait trop chaud. On jouait à 15h, il faisait 40° et je ne tenais pas plus d'une mi-temps." Rudy se sent désormais comme un poisson dans l'eau. D'autant que Tel-Aviv est une ville qui lui est chère. Son grand frère s'y est installé et Rudy y passe ses vacances depuis plusieurs années. "Je connais super bien la ville, j'ai beaucoup d'amis ici, de la famille, mais ce n'est pas pour ça que j'ai signé au Maccabi". Alors pourquoi ?
La première raison émane de Paul Le Guen. Après son retour de prêt de Valenciennes, le coach parisien lui fit clairement comprendre qu'il ne comptait pas sur lui : "J'étais parti m'aguerrir à VA et quand je suis revenu, ça m'a fait mal de trouver une porte fermée mais au moins, Le Guen ne m'a pas raconté d'histoire". Contraint de se trouver un nouveau club, il a bien étudié la proposition de Strasbourg mais : "Elle ne me convenait pas, notamment financièrement", avoue-t-il sans esbroufe. On lui a aussi parlé d'Anderlecht, or : "je n'ai pas eu de contact direct avec eux". Et beaucoup de clubs de L2 s'étaient manifestés : "Mais je ne le sentais pas, je n'étais pas prêt pour jouer en deuxième division".
"J'espère revenir en Europe"
Certes, mais de là à partir en Israël... il y a un pas que peu de joueurs ont franchi. Alors Rudy Haddad s'explique sur ce qui a guidé sa décision : "Mon objectif premier était d'obtenir la double nationalité. Les papiers sont en cours, ce devrait être pour bientôt. J'aimerais participer aux qualifications pour la Coupe du Monde 2010". Avec le Maccabi, les premiers contacts remontent au mois de juin dernier. " J'étais hésitant mais quand j'ai su que par ce biais, je pouvais intégrer la sélection, ça m'a fait tilt. En plus, Israël est dans la zone Europe, il y a de beaux matches à disputer. Le sélectionneur commence à parler de moi." Si tout va bien, Rudy Haddad sera Franco-Israélien d'ici quelques semaines.
D'accord, mais après ? "J'ai signé ici jusqu'en 2010, je ne sais pas si je vais revenir bientôt mais ce qui est sur, c'est que je ne veux pas rester là toute ma vie. J'espère revenir en Europe, je ne sais pas dans quel championnat. J'aime bien l'Angleterre, l'Allemagne..." S'exiler au Proche Orient, c'est pourtant s'éloigner des meilleurs championnats européens. Mais à 23 ans, l'ancien Parisien reste optimiste : "Je ne pense pas trop à ce qu'on m'oublie. Beaucoup de joueurs ici sont repartis dans de bons championnats, dont un récemment à Bolton. Il y a des connexions avec l'Europe". Et le principal comme il dit, c'est qu'il soit épanoui.
"L'Hapoël et le Maccabi se détestent bien plus que Paris et Marseille"
D'ailleurs, on ne l'avait jamais senti aussi serein. "Le principal, c'est que je sois heureux et je le suis ! Je me sens très bien dans ma tête. Je sens que tout le monde au club me fait confiance, ça fait du bien". Après plus de six mois sur place, il ne regrette rien : "Ce n'était vraiment pas une décision facile à prendre car avant de signer ici, moralement je n'étais pas au mieux, j'avais très peur de faire un mauvais choix". Bien dans sa tête... donc bien dans ses crampons. Rudy est titulaire au poste de milieu droit. Il a inscrit un but en Coupe de l'UEFA face au club turc de Kayserispor, deux buts en Coupe nationale et délivré sept passes décisives en championnat.
Moins réjouissant : le Maccabi est septième alors qu'il devrait jouer le titre : "On a fait un très mauvais début de championnat mais on remonte la pente". Son club partage le même stade – d'environ 20 000 places – avec l'Hapoël Tel-Aviv, club qui en France s'est fait un nom à la suite d'incidents tragiques. Sa victoire au Parc en coupe UEFA (2-4, le 23 novembre 2006) avait précédé la mort d'un supporter parisien. Entre l'Hapoël et le Maccabi, c'est une rivalité extrême qu'a découverte Rudy : "Les deux clubs se détestent bien plus que Paris et Marseille. Ici, soit tu es pour les Jaunes (Maccabi), soit tu es pour les Rouges (Hapoël)".
"Sankharé me fait penser à Lassana Diarra"
L'engouement est beaucoup plus marqué qu'en France : "Ici, les gens adorent le foot, ce sont des fanatiques, un peu comme en Turquie. Ils sont très attachés à leur club. Sous le coup de la colère, tu peux te faire insulter mais ils ne te toucheront jamais. Le premier sport à Tel-Aviv, c'est le foot et le deuxième c'est le basket". La pression, il a appris à vivre avec : "J'en ai plus qu'à Paris car en venant du PSG, j'étais très attendu et notre président est un milliardaire russe qui vient de racheter le club. Il veut faire quelque chose de bien ici ". Même si ça joue "plus agressif" en Israël, le niveau est clairement inférieur à celui de la L1. Chaque club a le droit, au maximum, à cinq étrangers dans son effectif : "Heureusement, ça rehausse un peu le niveau". Pierre Ducrocq a d'ailleurs failli signer au Maccabi cet été. "Les deux docteurs sont français, quelques francophones et des Anglais, deux Serbes..."
De toute façon : "Je commence à parler la langue, je comprends les conversations et je parle aussi anglais car tout le monde parle anglais ici". Comme on dit : loin des yeux, près du cœur. Dans son appartement tout proche de Tel-Aviv, il garde un œil sur le PSG : "J'ai toutes les chaînes françaises. J'ai vu qu'ils ont eu leur période où ils faisaient jouer beaucoup de jeunes. Malheureusement ils ne jouent plus, il n'y a plus de continuité. Les plus forts, je trouve que c'est Sakho et Sankharé. Sankharé me fait penser à Lassana Diarra". Depuis le mois d'aout, Rudy est déjà revenu deux fois à Paris, voir sa mère qui vit toujours dans le quartier de Belleville : "Paris, ça restera toujours Paris". Sa ville, son club pour toujours.
Emilie Pilet
Tiré du "Foot ! Paris" n°42 (mars 2008), actuellement en kiosque.