Quantcast

Supporters PSG : L’avocat d'un des prévenus dévoile sa défense

Publié le 08 Avril 2008 à 15h33 par Ludovic FRANCISCO
Supporters  PSG : L’avocat d'un des prévenus dévoile sa défense
Le magazine "Paris Match" a rencontré l'avocat de l'un des trois supporters incriminés dans l'affaire de la banderole. Maître Triomphe aura prochainement la difficile mission de défendre l'auteur du message. Agé de 30 ans, celui-ci est cadre dans une grande entreprise. Supporter indépendant, il a dernièrement fait l'objet de deux interdictions administratives de stade de trois mois dont la deuxième a été annulée par la justice.

Le client de Jérôme Triomphe, placé actuellement sous contrôle judiciaire, s'attendait-il à ce que son acte prenne une telle ampleur médiatique ? "Ni mon client ni personne ne pouvait imaginer la démesure que prendrait cette affaire désormais d'Etat", répond l'avocat. "Le Président de la République intervenant publiquement, le Procureur de la République de Bobigny organisant une conférence de presse, les analyses ADN pour tenter de retrouver les personnes impliquées alors qu'il existe des listes d'attente pour ce genre d'investigations lourdes y compris dans des dossiers criminels. Un responsable politique a même évoqué la possibilité de faire appel aux services secrets pour retrouver les coupables ! Cette débauche de moyens en est même indécente quand on sait combien d'infractions restent sans poursuites."

Une des questions que soulève l'affaire est le destinataire de la banderole. A qui s'adressait le message ? "Elle ne s'adressait pas aux Ch'tis en général et leurs auteurs n'avaient aucune intention de les blesser", affirme l'avocat. "Cette banderole s'adressait à un groupe de supporters du club de Lens, les "Red Tigers" dans le cadre d'échanges et de rivalités qui sont récurrents entre certains supporters. C'est choquant pour un œil extérieur non averti mais cela fait des années que des supporters se répondent match après match par banderoles interposées, y compris entre certains supporters ch'tis de clubs concurrents. Elles n'ont pourtant jamais suscité l'indignation d'aujourd'hui alors que leurs termes n'ont rien à envier à celle qui est en cause. La médiatisation autour de cette affaire s'explique certainement par le succès de l'excellent film de Dany Boon Bienvenue chez les Ch'tis. Mais faut-il donc faire 17 millions d'entrées pour être l'objet d'une attention et d'une protection politico-médiatico-judiciaire particulières ?"

Par conséquent, l'ouverture d'une information judiciaire vendredi dernier par le procureur de Bobigny pour "provocation à la haine et à la violence" est-elle fondée ? Réponse subtile de l'homme de droit : "Non, évidemment. Les propos de cette banderole sont en effet volontairement caricaturaux et outranciers : ils portent en eux-mêmes la démonstration de leur absence de portée. Qui peut prendre au sérieux, et en tirer un sentiment haineux ou un comportement violent, le fait que les ch'tis seraient des pédophiles, des chômeurs et des consanguins ? L'affaire qui s'en est suivie en est d'ailleurs l'illustration : loin de pouvoir provoquer à la haine ou à la violence, cette banderole a provoqué l'indignation, la réprobation générale et même la compassion envers les Ch'tis. Tout ce qui est choquant ou même immoral ne tombe pas sous le coup de la loi. C'est le "droit au mauvais gout"* qu'a développé Maître Francis Terquem, avocat et cofondateur de SOS Racisme, dans les colonnes de Libération du 4 avril 2008."

Nous reproduisons ci-dessous l'intégralité du texte de Me Francis Terquem :

*"Le droit au mauvais gout"

"Deux événements se sont récemment produits sur la scène sportive qui méritent d'être relevés. Tout d'abord, l'équipe du Paris Saint-Germain a livré, en finale de la Coupe de la Ligue, un bon match de football. Ce n'était pas survenu depuis assez longtemps pour être souligné. Plus extraordinaire encore, à l'occasion du même match, des supporteurs ont fait montre d'humour : "Pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue chez les Ch'tis", que c'est drôle !

Cette saillie développée sur des dizaines de mètres renvoie évidemment au film de Dany Boon, dont le succès révèle un besoin d'enracinement dans le territoire, comme dirait Ségolène, de repli sur soi très exactement contraire aux exigences de l'époque mais fort révélateur de l'état d'esprit chagrin général. Depuis dimanche, les cris d'orfraie se font vacarme. La presse populaire crie à l'outrage, la presse de gauche se plaint du laxisme de l'appareil d'Etat, les élites politiques promettent des sanctions, de la fermeté, des poursuites pénales même. Contre qui et de quel chef ? Dans ce pays où la discrimination a été institutionnalisée par le refus ontologique de reconnaître ses droits à l'individu, dans lequel la volonté manifestée par le président de la République d'élever enfin la diversité au rang de principe constitutionnel mobilise immédiatement contre elle un arc républicain tendu par Villepin, Bayrou et Chevènement, voilà que tous se soudent pour dénoncer le haineux racisme qui aurait inspiré le dazibao honni, souillure sur l'immaculé football national, et réclamer des sanctions pénales quand des commissions se réunissent pour élaguer un droit pénal trop tatillon. Analysons la chose. Il est certain que ce message ne visait pas une personne en particulier. Mais les «Ch'tis» constituent-ils une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées ? Certainement pas. On ne peut donc lire sur cette banderole que des termes de droit commun, adressés à tout le monde, c'est-à-dire à personne.

Mais ces mots accolés les uns aux autres ont un auteur, voire plusieurs. Il s'agit donc d'une œuvre de l'esprit, sans doute collective. On pourra la trouver grasse, de mauvais gout, inopportune ou d'une provocation salvatrice, mais il suffit de la déplacer dans l'espace et le temps pour mesurer sa qualité d'œuvre et donc son droit à être protégée. Dans l'espace : il n'est pas douteux que cette banderole aurait fait une excellente couverture de Charlie Hebdo. Dans le temps : nos aînés n'ont-ils pas fait bien pire avec "CRS = SS" peint sur les murs ? Voilà bien ce que cet émoi révèle et à quoi aura à tout le moins servi ce trait. Il nous édifie sur la licence avec laquelle l'ordre moral pénètre par tous les pores de la vie sociale, étouffe toutes les velléités de l'esprit, réprime toutes les expressions, qu'elles soient populaires ou distinguées, de mauvais gout ou bien senties. Celle-là était sans doute de mauvais gout. C'est ce qui en fait la valeur. Mais en tout état de cause, elle n'était pas raciste. Au contraire : en raillant la consanguinité, elle visait le repli identitaire qui marque notre temps politique et fait le succès de l'œuvre de Dany Boon."

Me Francis Terquem

Lire les 00 commentaires
Doudoune PSG
Doudoune PSG à moins de 55 euros, collection officielle. Tailles S au XXL et tailles Enfant. Matière polyester.
Profitez de l'offre chez Amazon

Commentaires