Son nouveau club est tout jeune, il n'a que deux ans ! Fondé le 11 mai 2006, le Toronto FC vient d'entamer sa deuxième saison en Major League Soccer (Ligue professionnelle des Etats-Unis/Canada). Robert suit les traces de Beckham (Los Angeles) ou Gallardo (Washington). Sauf que pour l'ancien Parisien, ce n'était pas prévu... : "Quitter l'Europe n'était pas au programme", explique le joueur. "Depuis février, j'avais des contacts mais je refusais catégoriquement, pensant que la situation allait se décanter à Derby. Quand j'ai signé (NDLR : en janvier 2008), on m'a promis que j'allais jouer. Les dirigeants n'ont pas respecté leur parole. Au final, le club m'a laissé partir, j'avais trop besoin de jouer".
Depuis 2006 et son passage à Levante, Robert est en cruel manque de compétition. C'est Mo Johnston, coach de Toronto et ancien adjoint de Sir Bobby Robson à Newcastle qui l'a convaincu : "Il connaît très bien mon jeu, il m'a eu quatre saisons, c'est important. Je reprends plaisir à ses côtés". Laurent Robert est arrivé le 3 avril, le championnat a débuté le 7... Il a joué et marqué. Outre Atlantique, il ne voit pas le temps passer : "On voyage beaucoup, j'en profite pour découvrir les Etats-Unis, je viens de jouer à Washington, à Los Angeles contre David Beckham, on a gagné 3-2".
Les déplacements sont bien plus longs qu'en L1. Exemple : "Il y a cinq heures de vol entre Toronto et Los Angeles avec en plus trois heures de décalage horaire.Ca prend quatre jours : si on joue le dimanche, on part le vendredi... Il faut s'adapter, mais je visite et j'ai beaucoup aimé Los Angeles, c'est magnifique." L'objectif du club : "Réaliser la meilleure saison possible et tout tenter pour se qualifier, gagner une Coupe et pourquoi pas le championnat. Même si les favoris restent les Galaxy et Washington DC, toutes les équipes se sont bien renforcées, le niveau s'élève".
"Mais quelle pression les joueurs ont-ils ? J'ai du mal à comprendre. C'est magnifique quand tu joues au Parc"
Dans la sienne, l'ex-international est de loin le plus expérimenté. Ses coéquipiers sont Canadiens, Anglais, Jamaïquains... "Ici, ils sont super contents de m'avoir vu arriver, que j'apporte mon expérience. Ils me posent beaucoup de questions sur les championnats européens, beaucoup de détails. Aujourd'hui, il y a un écart de niveau important. Mais le soccer commence à devenir important, ce sont tous des joueurs professionnels". Laurent Robert évolue au MO Field, un stade d'environ 20 000 places. "Il y a une ambiance de fou. Ici à Toronto il y a beaucoup d'Italiens, de Portugais qui s'intéressent au soccer".
Rassurez-vous, niveau football, Laurent Robert prend à nouveau son pied ! "Ces dernières années pour moi, cela n'a pas été facile. Je suis très content d'être à Toronto, je vois qu'on me fait confiance, ça donne très envie de se battre pour mes coéquipiers, pour le club. Il en faut peu pour être content, il faut juste être compris. Ici, les gens m'aiment, je revis". En dehors des pelouses, il se plaît tout autant : "Je ne connaissais pas ce pays, c'est un autre monde, une autre vie, c'est très enrichissant. Il y a plein de buildings, c'est magnifique. Juste à côté, il y a les chutes du Niagara. Je me plais ici".
Mais son bonheur n'est pas total car de l'autre côté de l'Atlantique, la situation du PSG le tracasse. "Au départ, j'étais un peu dégouté mais là, je ne sais même plus quoi penser, ça en devient ridicule. On ne sait même plus quoi dire. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans la tête des dirigeants, des recruteurs. Que l'équipe perde ou gagne, on dirait que c'est la même chose. S'ils ne se font pas taper dessus, tant mieux pour eux. Nous à notre époque, ça dégénérait pour moins que cela. Même quand on a terminé deuxièmes, c'était chaud ! Le PSG a beaucoup changé". Et ne lui parlez pas de cette soi disante pression. Avec lui, ça ne passe pas : "Mais quelle pression ont-ils ? J'ai du mal à comprendre, vraiment. C'est magnifique quand tu joues au Parc. Que demander de plus ? Et ne me dites pas que c'est à cause du centre d'entraînement qu'ils ont de mauvais résultats ! Ils oublient d'où ils viennent et avant d'arriver au PSG, ils sont tous passés par des conditions plus difficiles".
Laurent Robert y a passé deux saisons et demi (juin 1999 à janvier 2002), peut-être les plus belles de sa carrière. "Avec Bergeroo, tout se passait super bien. C'est à cause de Luis (Fernandez) que je suis parti". Meilleur buteur du club en 2001 (15 buts), il dut poursuivre sa carrière à Newcastle. "Mon transfert a quand même couté 120 millions de francs, j'ai renfloué les caisses PSG. Mais aujourd'hui quand je veux venir voir un match, être bien installé, j'appelle et on me dit : "Il n'y a pas de places". Ca fait bizarre quand vous avez l'impression d'avoir donné du plaisir aux gens, d'avoir fait votre boulot". Plusieurs fois depuis 2004, il a même demandé à revenir pour aider le club : "Ce n'était pas un problème de salaire, qu'on ne dise pas que c'est parce que je coutais trop cher. Et si je suis à Toronto, ce n'est pas du tout pour l'argent. D'ailleurs dans ma carrière, ce n'est pas au PSG que j'ai gagné ma vie !" Alors, à plus de 6 000 km de Paris, le milieu gauche regarde impuissant son club couler.
Emilie Pilet
Article paru dans Le Foot Paris (n°45, juin 2008)