PSG70 : Yannick Guillochon, pouvez-vous nous expliquer le parcours par lequel vous êtes arrivé au PSG ?
Yannick Guillochon : « Eh bien c'est simple, je suis un enfant de Saint-Germain. J'ai commencé le football dans les années 70 en Poussins au Stade Sangermanois (puis par la suite Paris Saint-Germain) puis en Pupilles, Minimes, au Centre de Formation et ainsi de suite. Je suis un enfant du cru (rires). Le PSG est mon tout premier club, je sais que c'est assez rare mais nous étions quelques-uns dans ce cas-là à l'époque, comme Eric Renaut ou Thierry Morin, eux aussi nés à Saint-Germain.»
PSG70 : Pourquoi l'entraîneur Georges Peyroche vous a-t-il intégré à l'équipe pour la saison 1982/83 alors que le club venait de remporter la Coupe de France ?
Y.G. : « Mon intégration s'était faite plus tôt, lors d'un tournoi amical à Palma de Majorque, il me semble. Jean-Claude Lemoult s'était cassé la cheville, on m'a fait entrer et ça s'est bien passé, je suis resté dans l'équipe. Mais c'est toujours plus facile d'intégrer une équipe lorsqu'elle tourne bien et qu'elle fait de bons résultats. Là, il y avait un bon groupe, le seul souci c'est que j'ai été souvent blessé pendant ma période au PSG ».
PSG70 : Le fait par le club de vous intégrer à l'équipe plutôt que de recruter un joueur confirmé était un signe fort pour vous ?
Y.G. : « Oui, tout à fait, mais au-delà de tout ça, pas mal de joueurs issus du Centre de formation étaient dans l'effectif. C'était un peu l'usage. On dit toujours que le PSG n'est pas un club formateur, mais à l'époque, mis à part aux postes offensifs, quasiment toute l'équipe était issue du Centre de Formation. Fernandez, Lemoult, Pilorget, Morin, moi, Tanasi ou Bacconnier sont de ceux-là. L'entraîneur intégrait un ou deux jeunes, au fur et à mesure, et ça marchait. Après, bien sur il y a les vedettes comme Janvion, Ardiles, Susic, Kist, Rocheteau, Toko ou Dahleb. Mais nous arrivions à trouver un bon amalgame entre les vedettes et les jeunes joueurs ».
« Francis Borelli aimait profondément ses joueurs »
PSG70 : A l'heure ou le Paris Saint-Germain pleure son président historique Francis Borelli, pouvez vous nous dire, vous qui l'avez connu, quel genre d'homme était-il ?
Y.G. : « C'était quelqu'un qui aimait profondément ses joueurs, quels qu'ils soient. Il était un peu paternaliste dans le bon sens, il aimait être aimé des joueurs. Alors c'est simple, lorsqu'on aime les gens, on est forcément aimé de tous. J'étais ce matin (hier) aux obsèques. Il y avait du monde, beaucoup d'anciens du PSG, tous les anciens dirigeants dont Denisot et Cayzac. Deux joueurs du PSG actuel, Jérôme Rothen et Mickaël Landreau, accompagnés par Paul Le Guen étaient présents. Cela m'a beaucoup touché, car même s'ils n'ont pas connu le personnage, ça prouve qu'il y a un suivi dans l'histoire du club, que Monsieur Borelli fait parti de l'histoire et qu'eux joueurs se sentent imprégnés d'une histoire. Cela m'a fait beaucoup plaisir de voir ça. Je ne les connais pas et ils ne me connaissent pas non plus, mais cela prouve qu'il y a une continuité, une unité au sein du club.
« La Coupe d'Europe, c'est un peu comme l'armée, on ne retient que les bons souvenirs »
PSG70 : En cette saison 82/83 le PSG connaît sa première qualification en Coupe d'Europe. Comment cela a-t-il été vécu à l'époque ?
Y.G. : « C'était nouveau, une découverte pour beaucoup de joueurs mis à part les anciens comme Bathenay et Rocheteau qui l'ont joué avec Saint-Étienne. Pour nous, pour le club mais aussi pour Monsieur Borelli c'était quelque chose de nouveau, et tout le monde en garde un très bon souvenir. C'est un peu comme l'armée, on ne retient que les bons souvenirs et on oublie les mauvais. »
PSG70 : Quel fut votre sentiment après la défaite contre Waterschei en 1983 ? Etait-ce davantage la satisfaction d'un premier parcours européen ou plutôt le regret de perdre face à une équipe supposée moins forte ?
Y.G. : « Non, c'était un grand regret, un match que l'on ne doit jamais perdre. On s'est fait surprendre dans un stade champêtre. Une surprise d'autant plus grande que nous avions fait un bon match à l'aller en gagnant 2-0, un score idéal qui nous donnait quasiment la garantie de passer. Peut-être que nous le sentions trop facile. Mais ce fut une déception énorme dans un match très bizarre. C'était la foire, presque un traquenard dans un stade de campagne aux conditions très difficiles ».
PSG70 : Comme la saison précédente le PSG bat Tours en demi-finale de la Coupe de France puis remporte le trophée ensuite. Même si vous n'étiez pas sur la pelouse pour cette finale face à Nantes, quel souvenir gardez-vous de cette victoire ?
Y.G. : « C'était un grand moment pour le PSG de gagner une seconde Coupe de France un an après la victoire historique contre Saint-Étienne. Mais pour moi, ce fut une immense déception de ne pas avoir pu jouer la finale. Je venais de me faire opérer d'un claquage récurrent aux ischios-jambiers. J'ai non seulement loupé la finale sur le terrain mais aussi la sélection pour les Jeux Olympiques de Los Angeles avec la sélection d'Henri Michel, celle là même qui a été médaillée d'or. 1984 fut donc une très mauvaise année pour moi. Mais de toute façon, j'ai été trop blessé pour faire une grande carrière ».
PSG70 : 1982/83 marque aussi l'arrivée au club de Safet Susic, probablement le joueur le plus talentueux que le PSG ait connu. Comment la cohabitation entre deux génies (Susic et Dahleb) se passait-elle sur le terrain ?
Y.G. : « Je ne suis pas certain que ça fonctionnait très bien. Je ne peux pas l'affirmer, c'est à eux qu'il faut poser la question, mais c'était deux fortes personnalités. Tous deux étaient techniquement au-dessus de la moyenne, les deux étaient des éléments-clés capables de nous faire gagner un match par un exploit individuel alors que l'équipe était à la rue. Ils ont cohabité pendant deux ans au PSG. « Mouss » a presque fait toute sa carrière au PSG et au moment de l'arrivée de Safet il était plutôt sur la fin. C'était un mec adorable, un amour. Safet avait plus de caractère, un tempérament plus « Yougo », plus individualiste. Mais il était capable de donner de très bons ballons. »
PSG70 : En 1985 vous quittez la capitale sur une défaite en finale de la Coupe de France contre Monaco et vous vous engagez avec Le Havre. Pourquoi ce choix ?
Y.G. : « Oui, j'étais encore blessé (rires), je m'étais fait une talonnade contre Toulouse en demi-finale. J'ai quitté Paris car j'avais un peu envie de voir autre chose. Et puis chaque année le club recrutait des latéraux supplémentaires, j'en avais un peu marre de ne pas être reconnu. Je suis parti trois saisons au Havre, jusqu'en 1988 puis à Rennes jusqu'en 1991 où je mis un terme à ma carrière ».
PSG70 : Qu'avez-vous fait ensuite ?
Y.G. : « En 1991 j'ai joué un peu à Poissy jusqu'en 1993, puis j'ai coupé totalement avec le monde du football. J'ai ouvert une puis deux entreprises dans bâtiment, spécialisés dans les travaux d'agencement de bureaux, magasins, menuiserie, cloisons, faut plafonds... Je voulais là encore passer à autre chose. J'ai tranché et décidé d'arrêter totalement le football, je me suis lancé à fond, à 100% dans ce nouveau métier comme je m'étais lancé à fond dans le football ».
PSG70 : Mais vous ne ressentez plus l'envie de jouer au foot ?
Y.G. : « Non, mais plus on vieillit, moins on a envie de jouer, et plus on a mal aussi (rires). Je ne voulais pas rester dans les deux mondes à la fois. J'ai des copains qui ont vécu comme ça, qui n'ont pas su trancher entre une nouvelle vie professionnelle et la volonté de revenir dans le football. Aujourd'hui, certains galèrent et sont RMIstes, ils espèrent toujours revenir. Mais le milieu du football est ce qu'il est, et on a tendance à vite t'oublier. C'est une nouvelle vie pour moi. J'ai eu deux vies, une dans le football et une avec mon métier actuel qui me prend beaucoup de temps. Et puis lorsqu'on lance son entreprise, dans les débuts, il ne faut pas compter ses heures. Je travaillais 12, 13, 14 voire 15 heures par jour. Je n'avais plus trop le temps pour le football ».
PSG70 : Suivez-vous encore les résultats du PSG ?
Y.G. : « Bien sur ! Sous mes airs de « j'en ai rien a foutre » j'ai toujours un œil sur le football et surtout sur les résultats de mes anciens clubs. Je n'ai connu que trois équipes, le PSG, Le Havre et Rennes. Je suis avec précision leurs résultats, je suis heureux lorsqu'ils vont bien et je souffre aussi lorsque ça va mal. Le PSG se relève actuellement d'une longue maladie, mais je pense que les gens en place comme Yves Colleu et Paul Le Guen sont des gens sains et posés qui vont réussir. En tout cas, je l'espère de tout cœur. Même lorsque le HAC est descendu, ça m'a beaucoup peiné. Pareil pour Rennes qui avait la mauvaise habitude de monter et descendre ces dernières années. Aujourd'hui, le club a enfin trouvé une stabilité et joue même vers le haut. Il a su trouver un bon compromis entre jeunes joueurs, joueurs confirmés et étrangers. Mais pour le PSG, je pense que le club retrouvera bientôt les sommets. Tout est un problème de confiance. Les joueurs ne peuvent pas avoir le niveau DH du jour au lendemain. Il y a de la qualité technique, mais comme dans tout métier, c'est 60 % de mental et de confiance. Le club d'en face vient désormais au Parc des Princes de façon décomplexée et pour ramener les trois points. Il tente des choses qu'il termine par réussir. Lorsque le ballon touche le poteau, il rentre. Au PSG, l'an passé, il touchait le poteau mais il sortait. C'est le petit détail qui fait la différence. La chance va avec la confiance et le mental. Dans les affaires aussi, si on arrive devant le client en doutant de soi ou lorsque la situation de l'entreprise va mal, on ne peut pas être performant et le client va le ressentir. »
PSG70 : Et pour finir, vous serez au Parc demain pour PSG-Rennes, match en hommage à Francis Borelli entre deux de vos anciens clubs ?
Y.G. : « Non, je serai devant la télé avec des amis mais j'espère de tout mon cœur que l'hommage rendu à Monsieur Borelli sera à la hauteur de l'homme qu'il était. »
Propos recueillis et retranscrits par Maxime Pousset pour PSG70.free.fr et PlanetePSG.com. Merci à Yannick Guillochon pour sa disponibilité.