PARTIR, C'EST MOURIR UN PEU
Aller à Bonal, dans le parcage des Parisiens. Pouvoir dire « j'étais là ». Je n'ai pas vu, je n'ai pas suivi : j'ai participé ! Pouvoir dire « j'étais là et même si ça n'a peut-être servi à rien, j'ai chanté ». Représenter le club, arborer ses couleurs. Forger le destin du Paris SG en tribune, jouer son rôle de simple pion au milieu de l'armada rouge et bleue. Faire partie de ceux sans lesquels ce match ne pourra pas se gagner. Contribuer à donner sa chance au club. Se battre. Chanter !
N'être qu'en tribune latérale. Avoir pris le risque de s'exposer au milieu des jaunards. Pris le risque de subir les quolibets, de rester assis sur son siège, seul, si Sochaux venait à marquer, et d'en pleurer si on descend. Savoir qu'il ne faudra espérer aucune empathie, aucune marque de compréhension. Devoir se contrôler au milieu des Sochaliens réclamant un Paris en L2, comme si cela pouvait changer quelque chose à leurs complexes d'infériorité. Ne pas pouvoir se donner pleinement, savoir qu'on sera à Bonal sans être à son maximum, sans pouvoir tout lâcher, tout donner. Mais rejoindre sa place quand même, dans l'enceinte.
Faire le déplacement sans ticket. Tout sacrifier pour son club, sans doute en vain. Prendre le temps, prendre l'argent, prendre la force et tout miser sur le Paris Saint-Germain, sur l'infime probabilité de pouvoir rentrer, malgré tout. Vouloir s'approcher de la lumière, quitte à se condamner à rester derrière la vitre. Mais essayer quand même, parce qu'on n'envisage rien d'autre.
Partir à Sochaux. Laisser derrière soi ses enfants, parfois, passer des heures en voiture, payer la place, l'essence, les péages, mais partir. Suivre le Paris Saint-Germain. Être le Paris Saint-Germain.
Trouver le courage d'aller jusque dans le Doubs en prenant l'incroyable risque d'être marqué au fer rouge si Paris descendait. Car comment croire que l'on peut vivre ça sur place et en sortir indemne ? Alors oui, il en faut de la détermination, ou de l'inconscience pour vouloir prendre ce genre de pari.
Qui sont-ils, ceux qui peupleront la ville montbéliarde, ses rues, ses cafés et son stade ? Les meilleurs ? Les vrais ? Peut-être les plus chanceux... Pour pouvoir se retrouver à Sochaux demain, la valeur ne suffira même pas. Il fallait aussi avoir de la chance.
La chance que n'ont pas eue tous les membres d'associations âgés de moins de dix-huit ans. Les mineurs aiment-ils moins le PSG que leurs aînés ? Chanteraient-ils avec moins de cœur, moins de rage de vaincre ? Pas sur. Mais leurs groupes ne peuvent prendre le risque de les emmener sur un match à la vie à la mort. Ils n'iront pas.
Et ceux qui n'ont pas pu assumer le sacrifice financier d'un déplacement ? Sont-ils moins méritants ? Ce n'est pas être un mauvais supporter que de ne pas avoir d'argent ! Pourtant, eux non plus ne pourront aller à Sochaux. Ils n'auront pas cette opportunité. Celle de défendre leur équipe.
Comme ceux qui n'ont pas voulu se libérer et laisser encore une fois leurs enfants à la maison, leur préférant un club de foot. Vouloir aider ses enfants à grandir sans les abandonner un samedi sur deux, ou plus, c'est ne pas aimer le Paris SG ? Ceux-là, qui font le choix de leur famille sont-ils de moins bons Parisiens que les autres ?
Tous ceux-là, ils mériteraient eux-aussi de pouvoir donner, de pouvoir offrir au club leur soutien. Comme ces membres du groupe Handicap-PSG, pour lesquels chaque geste est plus compliqué. Ces supporters qui livrent un combat ne serait-ce que pour se rendre en tribune, match après match. S'ils ne peuvent pas rejoindre Sochaux demain, personne ne pourra leur dire qu'ils n'ont pas le cœur aussi Rouge et Bleu que ceux du parcage.
Et tous ces indépendants, de Boulogne, d'Auteuil ou d'ailleurs, qui sont venus mardi matin au Parc, et à qui on a expliqué que 79 pauvres places étaient déjà bien suffisantes pour eux. Ceux à qui on a fermé la porte au nez. Leur amour du Paris SG était-il moins fort que celui des 79 autres ?
Les élus de Bonal ne sont pas forcément meilleurs que les autres. Parce qu'ils seront là-bas, ils mériteront le respect. C'est leur droit. Mais il faudra aussi qu'ils comprennent la chance qui est la leur. Voilà leur devoir.
La chance de ne pas être en fauteuil, de ne pas être fauché, de ne pas avoir loupé la ridicule vente de places. La chance de ne pas être sur le carreau. Et une fois mesuré l'ampleur du nombre de ceux qui resteront en arrière, contraints, alors ils devront défendre le Rouge et Bleu.
Partir, c'est tout laisser derrière soi. Jamais on ne revient plus fort. Pas un seul déplacement qui n'ait son lot de souffrance, d'usure. Et pourtant, ceux-là même qui vivront cette épreuve devront donner davantage encore, une fois en tribune. A eux de se battre pour Paris... et pour tous ceux qui n'ont pas pu être à leur place. Leur responsabilité est là.
Demain, c'est tout le Paris Saint-Germain qui devra être à Bonal.
Allez Paris !
Demain : Pas de chronique pour cause de voyage dans le Doubs.
Courage à tous !